Monument architectural des années 20, le vélodrome de Casablanca est bien plus que cela. Lieu de joie, de défaite et de partage, il est pour les parieurs de Casablanca et de bien d’autres villes du Royaume un lieu de divertissement par excellence. Transformé régulièrement en cynodrome et pour l’occasion en hippodrome, il est, le temps d’une course, le paradis des paris. À la présentation des concurrents, la voie des haut parleur s’élève pour annoncer la prochaine course. Les chiens tenus en laisses font un tour de piste pour permettre au public de faire ses paris. Le public en question est généralement pour ne pas dire exclusivement masculin. Allant des papys les plus chics aux pauvres-types vêtus de haillons, les gradins sont une représentation à petite échelle de toutes les castes sociales de vieux marocains et un échantillon de jeunes paumés. «Les paris vont de 3 dirhams et peuvent aller à des millions. Chacun mise ce qu’il peut et parie sur le numéro de son chien de prédilection. Généralement les joueurs sont des habitués et connaissent très bien leurs favoris», explique le gardien qui semble avoir rencontré beaucoup de générations de parieurs. Avant le départ, les lévriers entrent dans les boîtes. À ce moment, les gradins semblent bien plus garnis qu’à l’annonce de la course. Tous les regards sont braqués sur les boîtes, les souffles sont coupés à l’attente du signal du starter. Le départ est lancé et les lévriers jaillissent comme des taureaux dans l’arène. Si tôt, ils aperçoivent le lièvre qui a déjà une bonne longueur d’avance sur eux et détallent à sa poursuite. Le public s’anime, les encouragements s’activent et l’adrénaline monte. «Cours mon frère, cours!», «pourquoi tu me fais ça mon frère?», sont les principales acclamations des parieurs qui, le souffle coupé, vont de l’euphorie au désespoir en une fraction de seconde. Cette course de lévriers est l’unique moment de la vie du parieur où le chien devient son frère. Leur communion en ce moment est si grande qu’à l’heure du sprint final au dernier virage, ils sont pareillement haletants. «J’ai déjà assisté à des crises cardiaques de gens qui de la même façon ne supportent pas la victoire et la défaite. Ce sont des gens qui mettent en jeu généralement beaucoup d’argent qu’ils ont dû emprunter, voire voler et qui de ce fait ont du mal à accepter la perte ou le gain», souligne le gardien. En effet, à l’arrivée des vainqueurs, les émotions sont à leur summum. Les manifestations de joie se font discrètes, mais le désespoir est très apparent sur les visages. Les perdants n’hésitent pas à prononcer des jurons à l’égard des pauvres bêtes essoufflées qui s’acharnent sur le pseudo lièvre. Les tensions commencent à redescendre et le public se disperse. Il est déjà 22h00 en ce mardi et les gradins se font déserts après cette dernière course. La soirée a emporté son lot de surprise, d’halène et d’excitation. Le rendez-vous est donné tous les jeudis et mardis soir à partir de 19h30 ou encore, les samedis et dimanches à partir de 15h45. Ouvert à tout public, il est toutefois recommandé aux plus avertis car, attention à la fièvre du jeu !
Données chiffrées • Le cynodrome de Casablanca est le seul d’Afrique, sa piste fait 320 mètres. |