Culture

De la vigueur et des rides

Qu’est-ce qui lie les artistes Fouad Bellamine, Miloud Labied, Mohamed Kacimi, Mohamed Chebaa, Bouchta El Hayani, Asmaâ Lahkim Bennani, Mostapha Boujemaoui et Hassan Slaoui ? Une exposition qui se tient jusqu’au 30 novembre au tout nouveau Centre Culturel de l’Agdal à Rabat. L’on sait que nombre de ces plasticiens comptent parmi les plus importants dans notre pays.
À l’exception de la jeune Asmaâ Lahkim Bennani, les autres sont déjà inscrits – pour certains en tout cas – en lettres d’or dans l’histoire de la peinture au Maroc. La présentation de leurs oeuvres montre ceux qui ont gardé une vigueur, une jeunesse surprenante, et ceux qui se sont cantonnés dans un mode d’expression qui a bien vieilli depuis le temps où ils ont commencé à peindre. Parmi les artistes qui surprennent par leur capacité au renouvellement, le visiteur sera attentif aux tableaux de Fouad Bellamine, Mohamed Kacimi et Miloud Labied. Le premier, qui est également commissaire de l’exposition, a présenté une série d’oeuvres qui rompent avec la technique qu’il a utilisée jusque-là, tout en établissant un joint avec le concept fondateur de sa peinture : la série. Bellamine recourt en effet aux nouvelles technologies pour extraire une forme architecturale aux lignes épurées.
Un marabout en 3 D auquel l’artiste donne à chaque fois une apparence nouvelle. La même forme est présentée dans quatre tableaux, mais elle est traitée différemment. Dans certains tableaux, elle est exempte de traitement chromatique. Dans d’autres, elle est insérée dans un environnement riche en lignes et en couleurs. L’on dirait que le marabout a été extrait de la terre, comme un seul bloc, du dôme jusqu’aux fondations de base. Il bouge comme une météorite dans l’espace.
Au demeurant, ce qui fait la qualité de ces tableaux, c’est qu’ils tiennent autant de la peinture que de la sculpture. La figure est si présente, si vivante, qu’elle semble prête à bondir du tableau pour s’emparer du visiteur. L’autre oeuvre qui accrochera l’intérêt du spectateur est celle de Mohamed Kacimi. Elle est également récente, et ce peintre la montre pour la première fois dans cette exposition. Il s’agit d’un assemblage de petits formats qui doivent s’appréhender comme une seule pièce. Tout Kacimi y est. Son intérêt pour l’homme, pour les objets kitsch, sa référence à la politique, son attrait pour le bric-à-brac haussé au rang d’oeuvre d’art. Composition faite de peinture et d’objets de récupération (fils en cuivre, bois), elle atteste de la grande maturité de l’intéressé dans l’art de créer des oeuvres plastiques. À vrai dire, l’on aura rarement vu une pièce aussi accomplie du peintre Mohamed Kacimi. Miloud Labied a présenté de son côté deux tableaux. Seulement deux, mais quelle peinture ! Le premier tableau montre une forme, peinte 8 fois dans des cases. Il s’agit d’un chador, mais le visiteur peut y voir ce qu’il veut. Peinte avec des couleurs pastel, cette toile n’en dégage pas moins de la tension. Il est rare de voir des tableaux avec des couleurs non vives brûler littéralement les yeux du spectateur. L’autre tableau est à placer sous le signe de l’ardeur. C’est l’une des meilleures oeuvres de Miloud Labied. Il s’agit d’un personnage féminin traité avec une telle force qu’il est difficile de trouver une seule partie du tableau où la main du peintre n’est pas présente. Les lignes sont fougueuses. Les couleurs appartiennent si intimement à l’intéressé qu’elles s’apparentent à une signature. En regardant ces deux tableaux, on se demande pourquoi l’on ne fait pas une grande exposition à Miloud. Les oeuvres des autres artistes ne présentent pas la même force que les précédentes. Mostahpa Boujemaoui montre un tableau de la série « les verres de ma vie ». Bouchta El Hayani expose des oeuvres qui mêlent abstraction et figuration. Elles attestent ses talents de coloriste. Hassan Slaoui expose, quant à lui, des sculptures en bois qui présentent la particularité de constituer une forme qui s’appréhende en tant que telle, mais à l’intérieur de laquelle on voit des motifs gravés. Asmaâ Lahkim Bennani est la plus jeune des artistes présents dans cette expo. Elle a un atelier de gravures à Rabat. Elle a choisi de montrer un ensemble de sérigraphies contemporaines. L’intéressée sérigraphie des choses intimement liées à son vécu. Des scènes de la vie courante à Fès et des pages de son agenda personnel.
À l’opposé de cette artiste qui se fraie une voie dans le monde de l’art, Mohamed Chebaâ exerce depuis des années la peinture. Curieux de constater dans ce sens que les tableaux qu’il expose ne se différencient en rien de ceux qu’il a peints pendant les années 70. Cette exposition aura eu ce mérite : montrer le travail de ceux qui ont pris des rides, sont épuisés peut-être, et celui des autres qui continuent de chercher, et dont l’oeuvre témoigne, à chaque exposition d’une belle jeunesse.

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