Culture

Délirium sur la peinture marocaine

En voici un livre qui porte un titre très ambitieux : «Les tendances de la peinture contemporaine marocaine». Tiens! Cette peinture aurait donc tant évolué, se serait tant diversifiée pour que l’on parle de «tendances». Parce que si l’on se réfère à l’énoncé du titre, il devrait être question de l’art d’aujourd’hui, de la contemporanéité, et non pas de toute la peinture marocaine.
Cet énoncé est, à cet égard, un trompe-l’oeil, parce qu’aucun des jeunes plasticiens contemporains marocains ne figure dans le livre de Moulim El Aroussi. Après ce titre très prometteur, on lit l’avant-propos et notre enthousiasme est vite tempéré par l’arbitraire qui le caractérise. On entre ensuite dans l’introduction et l’impression du mauvais départ se confirme par l’absence d’un projet clairement défini et surtout par la nature des propos de l’auteur. Une phrase de ce type nous fait d’emblée appréhender le corps du livre : «La symbolique du couchant est très importante dans la peinture.
Les Marocains sont ceux qui accueillent le soleil le soir, l’hébergent, le dorlotent et très tôt le matin le libèrent. L’humanité leur doit la régulation du jour et de la nuit, des saisons et du cours du temps. C’est un lourd héritage, très lourd, qui dote chaque Marocain de la capacité de manipuler la lumière, de la décomposer et de la faire chanter en couleurs.
Cette problématique sera amplement traitée dans le chapitre “De la peinture”». Mais de quelle problématique s’agit-il ? Celle des élucubrations hermético-lyrico-délirantes de l’auteur ? Depuis quand une envolée lyrique peut s’instituer en problématique de nature à éclairer un grand sujet comme la peinture au Maroc ! Et ce n’est là que la moindre des monstruosités dont est truffé ce bouquin que son auteur a segmenté en six chapitres: «Les sources de la peinture marocaine», «Tendance onirique», «Du patrimoine», «de la peinture», «De la représentation» et «Du ludique».
Dans le premier chapitre, l’auteur ne nous apprend rien sur l’Histoire du Maroc que l’on n’a déjà appris à l’école. Sous le nom «tendance onirique», ont été rangés des peintres dits naïfs, comme Chaïbia, Radia, Mohammed Ben Allal et d’autres artistes à la démarche très peu naïve comme Saladi et Tallal. C’est une erreur de loger tous ces artistes dans une même grille. Et c’est encore plus grave de penser que les peintures du plus grand nombre d’entre eux sont issues du rêve, alors qu’elles sont l’expression de la réalité du monde extérieur tel qu’ils le perçoivent. D’approximations en erreurs, nous entrons dans le chapitre intitulé «De la peinture» et qui porte d’emblée un préjudice grave aux autres artistes, puisqu’il suppose -dans son énoncé même- que les seuls artistes qui font de la peinture sont ceux qui y figurent dans ce livre. L’écrivain y procède de surcroît à des classements qui défient le sens de la logique. Il met dans un même panier des artistes aussi divers que Khalil El Ghrib, Mustapha Boujemaoui et Bouchta El Hayani, parce qu’ils « sont marqués par cette volonté de vouloir épurer leurs surfaces, qui tendent souvent vers les monochromes ».
En agissant de la sorte, Moulim El Aroussi fait preuve de beaucoup d’ignorance à l’égard de l’art de chacun de ces artistes. Rien, absolument rien, ne relie la démarche de Khalil El Ghrib, qui repose sur des matériaux autres que la peinture, à celle de Boujemaoui, basée sur la répétition d’un motif, ou celle de El Hayani où les formes triangulaires et circulaires ne s’apparentent en rien à des monochromes. En opérant de la sorte, l’auteur fait preuve de beaucoup de laisser-aller aussi bien à l’égard de l’art des intéressés que des lecteurs. Il domicilie à son aise des démarches qui ne présentent aucun lien de parenté.
Ce manque de rigueur est étonnant de la part d’un auteur censé être rodé au discours universitaire. La colère gagne le lecteur de ce livre, parce qu’il se sent floué, n’accepte pas qu’on insulte son intelligence en lui fourguant des banalités ou des considérations approximatives et sommaires. Si les faiseurs de livres continuent à commettre des ouvrages de ce type, il vaut encore mieux déplorer notre petite production nationale.

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