Culture

Deux bêtes de scène à Casablanca

© D.R

Qui peut oublier le fabuleux destin d’Amélie Poulain, ce film culte, qui a flirté avec les césars? Le compositeur de la musique de cette oeuvre mythique se nomme Yann Tiersen, le même que celui qui a signé la musique de «Good Bye Lenin». Le même que les amateurs d’extrême opposent à Jean Michel Jarre, malgré des parcours inconciliables et des styles aux antipodes l’un de l’autre..
Yann Tiersen se produit au Complexe Mohammed V de Casablanca, le 10 mars prochain, en marge de France-Expo 2004. Avec Jacques Higelin, figure connue du rock français, personnage à la fois atypique et exemplaire et qui joint, à ses nombreux talents, le mérite symbolique d’avoir résisté au disque, le spectacle est garanti. Higelin est un engagé; sa musique était peu jouée dans les médias, pour des raisons politiques. Cet écartement l’a sauvé au moins d’un péril : la fièvre du show-biz qui tient en laisse nombre d’artistes.
Yann Tiersen pourra sans doute tester son art, fait de symétrie et d’esthétique, sur le style de l’un des derniers artistes à avoir construit son succès sur scène. Durant les années de disette, quand les médias (qui ont leurs logiques) le snobaient, Higelin se consolait tous les soirs dans de petites salles. En attendant son heure. Une ascension difficile mais qui lui a permis d’adopter le public en route, de comprendre son langage et d’aller au devant de ses attentes. Né en 1940, trente ans plutôt que le jeune Yann Tiersen, Higelin a passé une enfance rythmée par les bombardements et le piano. La guerre et la musique. Sa découverte fut le Jazz et ses premiers spectacles, les entractes dans les cinémas.
Puis vinrent les grandes décisions. Jacques quitte l’école à 14 ans, passe de contrats en contrats, et finit par tomber dans la comédie musicale, dans «Nouvelle Orléans», aux côtés d’un certain Sidney Bechet. Vint ensuite le cinéma. De petits rôles, des cours d’art dramatiques et la rencontre avec le musicien algérien, Areski Belkacem. S’ensuit une longue ballade et des soirées d’animation des soirées et des bals d’officiers. Chanteur, il revisite le répertoire de Boris Vian. Idéaliste révolté, il s’inspire des événements de mai 68. Aujourd’hui, entre Higelin et le rock inspiré de David Bowie, une longue histoire s’est établie. La reconnaissance est venue en 1976 avec «Alertez les bébés». Depuis, les succès sont nombreux, sur disque et sur spectacle. Amérique du Nord, Europe, Afrique, Higelin est partout. A 62 ans, cet artiste hors pair a toujours le feu sacré. Yann Tiersen qui tient aujourd’hui une place de choix dans le paysage musical français a dû lui aussi passer par l’épreuve du combattant pour gravir les marches du succès.
Son premier album, «La Valse des monstres», sort dans l’indifférence générale, tout comme le second, «Rue des cascades», qui ne trouve d’applaudissements que dans sa ville natale, Rennes. Des désillusions successives. Jusqu’à ce que l’artiste comprenne que sa vocation est ailleurs. Au milieu d’instruments de tout genres, de percussions, d’accordéon, en passant par le xylophone, le toy piano. Sur scène, son heure sonne enfin avec l’album «Le Phare» vite adopté par le public et les médias. Les metteurs en scène qui avaient commencé à l’enterrer le redécouvrent. «La Rue des cascades» qui coulait dans l’anonymat fut réhabilité en générique dans le film «La Vie rêvée des anges», récompensée au festival de Cannes. Mais c’est dans Good Bye Lenin que le mur du son est franchi en septembre 2003. Ce film qui raconte l’histoire d’une femme qui tombe dans le coma au moment de la réunification de Berlin…. La suite se perd dans une musique où l’auteur, déjà encensé par Amélie Poulain, exorcise les échecs du passé. Une précision : Tiersen n’est pas un chanteur. Sa place dans le paysage musical français s’est faite sans paroles, sans guère de textes, mais seulement par la force de ses compositions, obsédantes et intimistes. Pur produit de la vague musicale explosive de Rennes des années 80, il a vite compris que ce n’est pas à l’école que l’attendait son destin. Mais bien au Conservatoire, entre le violon et le piano. Une bulle d’univers classique qui vole en éclat à l’âge adulte.
L’artiste accroche le train de la vague post-punk, puis évolue vers l’écriture des pièces musicales pour des courts métrages et le théâtre. On retrouve son éducation classique, le long de son style sobre, où l’on sent le refus obstiné de se plier aux règles de la «world music» où l’art a si peu de place, et où l’accès à la reconnaissance est pénible. Deux parcours, deux hommes, deux bêtes de scène dont le répertoire fera vibrer un public casablancais qui ne demande qu’à être conquis.

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