Aujourdhui Le Maroc : Qu’est ce qui explique à votre avis la frustration ressentie actuellement suite au changement du code d’émission des chaînes TPS ?
Benaissa Asloune : L’arrivée des chaînes satellitaires a parfaitement et clairement mis en évidence le sous-développement, qui appartient au passé, on l’espère, de l’offre audiovisuelle nationale. Elle a également participé à l’optimisation d’un choix naguère limité.
Je crois aussi que c’est cette émergence, soudaine, rapide et massive de chaînes satellitaires, et toute l’ouverture qui s’en est suivie, qui a été derrière la prise de conscience enregistrée actuellement au Maroc, quant à la nécessité, pour ne pas dire l’urgence, de prendre au sérieux la chose audiovisuelle et de lui attacher toute l’importance qu’elle mérite. Une prise de conscience qui s’est traduite par la nouvelle loi sur le paysage audiovisuel et le choix fait d’élargir ce champ dans le but de répondre à ce besoin.
Les vieux démons d’un champ audiovisuel limité, ont-ils refait surface avec la « disparition » de TPS ?
Par le large choix de programmes qu’elle proposent, les chaînes satellitaires ont délivré le téléspectateur marocain d’une frustration vieille de plusieurs décennies. Ceci, par le biais d’un mélange étendu d’informations, de divertissements, de culture. A tel point que c’est devenu un régal que de se mettre devant son petit écran. Un régal, mais aussi une évolution de fond dans le rapport établi entre la télévision et le téléspectateur, marqué maintenant par davantage d’autonomie de l’usager par rapport aux programmes proposés.
En témoigne le phénomène de zapping qui s’est mu en une réalité, et est même devenu un facteur déterminant dans les différents choix entrepris par ces mêmes chaînes de télévision. D’où la compétitivité tous les jours grandissante qui marque le fonctionnement et l’évolution du paysage audiovisuel.
Toujours est-il que cette liberté s’est muée en dépendance…
La dépendance est un corollaire de la liberté. Par la liberté de choix qu’elles ont permis au téléspectateur marocain, par toutes les tendances qu’elle ont introduites, aussi bien dans le rapport avec le petit écran qu’au sein même de la société marocaine, les chaînes satellitaires ont créé une sorte de dépendance. C’est ce qui explique le sentiment de manque que plusieurs peuvent ressentir. Se brancher est devenue une seconde nature, qui n’est pas sans avoir son importance dans les habitudes des individus comme des groupes.
Les chaînes nationales, peuvent-elles saisir une telle opportunité pour récupérer part d’audience?
Je ne crois pas qu’il y ait des opportunités à saisir dans ce sens. Ceci, pour la simple raison qu’on ne peut pas parler de substitution de chaînes par d’autres. Le mot le plus approprié serait celui de la complémentarité. Et si les chaînes nationales ont un rôle à jouer dans ce contexte, c’est bien celui de la proximité. Pour le reste, ce n’est pas le choix qui manque.