Culture

Driss Maloumi : Le social tue l’art au Maroc

© D.R

ALM : Comment étaient vos débuts dans le monde de l’art ?

Driss Maloumi : Je me considère comme produit de la vie associative culturelle. J’ai fait de Marcel Khalifa mon idole depuis tout jeune. Une fois à la faculté, tout naturellement c’est dans la musique engagée que je me suis retrouvé. Je devais avoir dix ans quand j’ai touché pour la première fois cet instrument. Au premier contact, j’ai succombé au charme des mélodies qui s’y dégagent. C’est comme s’il y avait un appel intérieur qui me dirigeait vers ce que je suis aujourd’hui. A vrai dire, je ne me souviens pas du tout du jour où je me suis dit que j’allais en faire une passion à vie. C’est venu de façon très spontanée.

De tous les artistes, c’est Marcel Khalifa qui vous touche le plus. Vous avez même réalisé un mémoire de fin d’études en se basant sur ses chants. Comment a été votre première découverte de ce grand artiste ?

Cette découverte s’est faite dans une association culturelle, j’étais enfant et quelqu’un jouait « Les rues de Beirut » de Marcel Khalifa. Ce « coup de foudre artistique » m’a poussé à m’inscrire dans le petit choral de cette association. S’en est suivie une inscription au conservatoire à l’âge de 13 ans et c’est là qu’ un contact plus sérieux s’est noué entre l’art et moi. J’ai pu obtenir mon diplôme en 6 ans au lieu de 8 et j’ai même été classé premier au  Maroc, chose qui m’a encouragé à obtenir un autre prix de perfectionnement et un prix d’honneur également. Parallèlement à cela, j’ai pu obtenir ma licence en littérature arabe sans pour autant me détacher de l’art puisque même mon sujet de fin d’études m’a été inspiré par les œuvres de Marcel Khalifa.

Quel a été l’élément déclencheur de ce passage d’un passionné du luth à un professionnel qui sillonne le monde aujourd’hui pour enchanter son public?

Les quelques années passées au conservatoire m’ont permis de faire plusieurs rencontres dans le domaine de l’art. Parmi ces personnes figure l’ancien directeur artistique du Festival des musiques sacrées du monde de Fès. Avec l’appui de l’Institut français nous avons monté un premier spectacle que l’on avait nommé «Les caravanes de lune». Nous avons fait une tournée au Maroc et à l’étranger et c’est là où ma passion s’est officiellement vu tracer un chemin vers le professionnalisme.

Qu’est-ce qui vous dérange dans la façon dont le Tarab est perçu ?

J’ai toujours été attiré par une autre perception du Tarab et qui ne soit pas du tout classique, tout en respectant bien évidemment la convergence des avis dans ce sens. Le Oud (luth, ndlr) peut être joué autrement et n’est pas condamné à se voir confiné dans les répertoires classiques. Il faut bien évidemment se référer aux traditions mais également être ouvert et gourmand par rapport à l’envie d’aller vers l’autre, de trouver l’inspiration dans d’autres cultures musicales. Au risque de me répéter, je citerais un très beau texte de Marcel Khalifa dont le sens se résume en cette phrase : «Je plonge dans le Tarab dans le besoin de me détacher de l’arrogance du dominant». Ce qui voudrait dire qu’il faut aller au-delà des constantes et du connu pour sortir de l’ordinaire et donner élan à sa créativité.  C’est exactement la vision que je partage du Tarab.

Vous avez obtenu le prix Zyriab il y a quelques années et  l’un de vos disques a été même primé comme «meilleur chart world en Europe». Vous avez également joué un peu partout dans le monde mais très peu au Maroc. Serait-ce par choix de se faire discret ? Quels sont les autres projets sur lesquels vous communiquez très peu ?

J’avoue que c’est un peu de ma faute.  Etant parrainé par un éditeur en Europe, je ne me fais pas médiatiser ici au Maroc.  J’ai eu la chance de travailler avec des ténors de l’art dans le monde tel le grand maestro espagnol Jordi Saval. Nous avons travaillé sur la musique ancienne. C’est un travail académique très pointu. Dans mon répertoire figure un projet intitulé «3MA», faisant référence au Maroc, au Mali et à Madagascar. Nous avons, en effet, été trois artistes de trois horizons différents à se pencher sur cette aventure artistique qui a obtenu le prix du «meilleur chart wolrd en Europe» en 2008. Durant ma carrière j’ai pu faire beaucoup de musique de films, je citerais notamment «La Source des Femmes», sorti il y a un peu plus d’un an. Je ferai également la musique de «Né quelque part», le dernier film de Jamel Debbouze, et qui sortira très prochainement.

Les jeunes artistes sont-wils assez parrainés ici au Maroc ?

C’est bien de soutenir les jeunes talents marocains. Ce soutien financier est important et même indispensable mais au-delà des moyens matériels, cette jeunesse est appelée à produire et à s’assurer une longévité sur la scène artistique. Ce qui peut tuer l’art, c’est le social. Il ne faut plus avoir cette vision sociale et solidaire vis-à-vis de l’artiste. Il n’est pas question de charité.  Je suis un produit de la réalité marocaine également mais j’exige qu’il y ait qualité du produit qui doit nécessairement aller de pair avec l’émancipation de la jeune scène artistique marocaine.

Etes-vous pour cette notion d’art propre ?

Je n’en ai aucune idée. Franchement, j’aimerais bien que quelqu’un m’explique de quoi il s’agit. (Rires).

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