Culture

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Elis Regina : Mestre Sala Dos Mares

 Peut-être le nom d’Elis Regina n’a-t-il jamais été trop exposé. Il n’empêche que sans le savoir, tout le monde ou presque connaît cette voix riche, et quelques-uns des couplets que la chanteuse brésilienne immortalisa. "Upa Neguinho" est de ceux-là, avec ce thème accrocheur inscrit durablement dans la mémoire de la musique de carnaval. La force de cette artiste, considérée comme la plus grande chanteuse brésilienne de tous les temps, c’est sa faculté de couvrir un large registre d’émotions, et de pratiquer un chaud et froid permanent au détriment de l’auditeur. Elle joue avec notre sensibilité, s’amusant à nous réjouir et à nous attrister d’une chanson à l’autre. Son goût pour un répertoire impeccable, toujours sur mesure pour sa voix capable de toutes les voltes-faces la verra interpréter des compositions des plus grands musiciens, de Antonio Carlos Jobim – le pot-pourri en duo avec Jair Rodriguez contient des perles comme "O Morro Nào Tem Vezé" ou "A Felicidade" – à Baden Powell ("Canto De Ossanha", ou "Deitar E Rolar", et aussi Joào Bosco ("Dois Pra Lá, Dois Pra Cá"). Vingt ans d’enregistrements "résumés" en vingt chansons, le pari était dur à tenir, mais cette sélection conserve toute la fraîcheur et la pureté d’une artiste d’exception.


Yuri Buenaventura : Yo Soy

 Révélé par un album explosif en 1998, le salsero colombien ne se contente pas ici de gérer l’acquis. Sa musique, certes, fonctionne aussi avec des recettes éprouvées, mais celles-ci doivent beaucoup au bouillant tempérament de ce chanteur généreux et de cet orchestre décoiffant qui le soutient dans l’effort. Une musique contagieuse qui dit toujours et encore que l’on n’est pas obligé de danser idiot. Preuve en est un titre comme "Estàn quemando la caña", hommage aux paysans exploités de sa Colombie ou cet autre cri de révolte, "La vida no vale nada", tiré du répertoire du Cubain Pablo Milanès. L’album regorge de reprises et d’emprunts, dont le moins surprenant n’est pas "La Chanson des jumelles", le thème de Michel Legrand tout à fait naturel dans ce traitement brûlé de soleil, et traité en latin-jazz. Au rayon des surprises, on relève l’adaptation de la superbe "Mala Vida" de Manu Chao, période Mano Negra, qui finalement trouve là des habits adaptés. Mais la plus étonnante est cette version en espagnol du "Your Song" d’Elton John, qui devient une salsa frivole baptisée "Tu canción". Avec ses cumbias ("Madre"), ses boleros ("Banano De Uraba"), ou un genre nouveau né de la rencontre avec Faudel, le salsa-raï ("Salsa Raï"), on mesure combien la salsa de Yuri Buenaventura peut faire du bien, et inventer.


Antonio Carlos Jobim : Composer

 Pianiste au toucher unique, chanteur à la voix fragile, guitariste à ses heures, l’homme de Rio reste pour l’éternité un compositeur essentiel du XXe siècle. C’est à Antonio Carlos Jobim que l’on doit la plupart des standards de la bossa nova, de "Agua de Beber" à "Dindi". C’est aussi le créateur de "Samba do Aviao", lui qui avait une peur bleue des avions mais dont l’aéroport de Rio porte le nom depuis sa disparition en 1994, qui va mettre ce léger contretemps à l’heure américaine, à partir de novembre 1962, à l’occasion d’un grand récital au Carnegie Hall. Dès lors, partagé entre Rio et New York, où il demeure non loin de Central Park, il va croiser bien des grands arrangeurs. A commencer par les trois à l’oeuvre dans cette compilation de trois albums : l’Américain Nelson Riddle, le Brésilien Eumir Deodato et l’Allemand Claus Ogerman. A chacun sa sensibilité, à chaque fois les cordes pleuvent, avec une préférence pour la vision romantique d’Ogerman, qui souligne les traits de génie d’un certain monsieur Jobim.


Bunenaventura : Vagabundo

 Le Colombien de Paris ne trompe pas son monde dès "Guajiro del monte", la première chanson. Un mambo torride, gorgé de sève latine, cuivres dodus, chœurs généreux, et ce balancement de la salsa pur cru. Mais moins que jamais, Yuri ne souhaite ici le dandinement frivole. Avec "Bienvenido" on ne danse pas idiot. Et des chansons comme "Mi America" ou "Neruda" rappellent la situation souvent tendue des pays du continent sud-américain. Ce troisième album, enregistré entre Paris et Puerto Rico décline à l’envi ce nomadisme. Un nomadisme musical moins dispersé que par le passé, avec la recherche de la cohérence du côté de la partie latine de l’Amérique. C’est cependant dans la capitale de la France que Yuri Buenaventura a trouvé ses compagnons de… tango. Et de quérir le bandonéon noir ("Afrotango"), qui raconte l’histoire des esclaves, ou encore la chanson-titre présente dans deux versions. Le mot toujours à l’affût de l’injustice, et le boléro au bout des lèvres, le chanteur adresse également une plainte langoureuse ("Hermanito"), se faisant romantique dans les notes enveloppantes du violon et de l’accordéon. Mais comme le naturel profond l’appelle encore et toujours vers la danse chauffée à blanc, c’est encore et toujours la salsa qui triomphe dans cet album sensuel et sensible.

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