Culture

Entretien : «on vient toujours de quelque part»

© D.R

ALM : Votre premier long-métrage «L’enfant endormi» a reçu quarante prix à l’étranger, tandis qu’au Maroc le public ne vous a découverte qu’après sa consécration à l’échelle internationale. A quoi cela est-il dû ?
Yasmine Kassari : On m’a fait cette remarque à maintes reprises. Au Maroc, le public a été surpris par la sortie de ce premier long-métrage. On me déclare que les gens ont l’impression que je suis arrivée de nulle part. Mais c’est loin d’être vrai. On vient toujours de quelque part. C’est vrai qu’avant la première sortie de «L’enfant endormi», on ne me connaissait pas au Maroc, mais ce n’était pas ma première expérience. J’avais déjà réalisé auparavant trois courts-métrages et un documentaire. Je pense que cela est dû au simple fait que je n’ai été médiatisée qu’en Europe, vu que les productions étaient purement belges. C’est pour cette raison que mon long-métrage tourné au Maroc avec des réalisateurs marocains m’a en quelque sorte révélée ici.

Durant ce Festival national du film à Tanger, une polémique a été suscitée autour du film «Marock» de Leïla Marrakchi qui est de votre génération. Quelle est votre réaction à ce sujet ?
Je n’ai pas assisté à tous les débats houleux qui ont suivi la projection du film de Leïla Marrakchi. Mais je crois que ces discussions annoncent une certaine volonté de créer une scission entre les réalisateurs de la diaspora et les cinéastes exerçant au Maroc. Je ne veux pas donner d’avis sur cette polémique. Mais s’il s’agit de définir le film marocain, qui est celui dont le réalisateur est Marocain. Ce qui fait la nationalité du film, c’est la nationalité du réalisateur.
Les sujets traités, la prise de vue et la technique n’ont pas de nationalité. L’image elle-même est internationale, on ne peut pas se limiter à un seul décor ou un seul environnement. La réalisation est un métier difficile. L’essentiel, c‘est de faire aboutir le film de la manière avec laquelle on le sent. Ceci dit, je comprends en quoi ce film blesse certaines sensibilités et ne répond pas à certaines considérations. Mais ce n’est pas une raison pour attaquer celle qu’elle a réalisé. Je ne suis pas pour l’agression.

Dans «L’enfant endormi», vous revenez à des «pratiques» aujourd’hui dépassées, qu’est-ce qui vous a motivée à revisiter cette tradition de l’enfant endormi ?
Dans mon film, ce n’est pas cette ethnographie et anthropologie qui m’intéressent. La plupart des observateurs qui ont vu le film ne l’ont pas compris. En tout cas ils n’ont pas cerné mon approche qui va au-delà de cette tradition. Une pratique qui consiste à faire endormir le fœtus dans le ventre de la femme en attendant le retour du mari. Mon film s’attaque à des problèmes contemporains qu’il faut bien analyser et éviter de saisir la portée du film sous un angle artificiel. Je préfère ne pas trop en parler pour laisser à ceux qui ne l’ont pas encore vu, le temps de découvrir eux-mêmes la symbolique de ce long-métrage.

Ne pensez-vous pas que le cinéma marocain repose plus sur la narration que sur l’image ?
Dans ce sens, je tiens à préciser que je ne parlerais que des films marocains que j’ai pu voir. C’est vrai que jusqu’à présent, le cinéma marocain a été plutôt narratif, relatant des histoires. En fait, nos réalisateurs donnent beaucoup plus d’importance aux dialogues qu’à l’image. Mais je pense qu’un nouveau cinéma marocain est en train d’émerger.

Votre film est une coproduction. Que pensez-vous de la question du financement ?
Je trouve ce recours tout à fait normal et justifié. On ne peut guère ne pas coproduire. Même en Belgique, il n’y a pas de films qui ne sont pas coproduits. Cela n’existe nulle part. L’Etat ne peut pas financer un long-métrage à 100%, donc on est obligé de coproduire. Je pense que c’est une richesse. Je donne l’exemple de mon long-métrage, «L’enfant endormi» est à 30% Marocain et l’équipe est constitué de plus de 50% de marocains. Ce n’est pas parce que l’œuvre est cofinancée qu’elle n’est pas marocaine.

Vous affirmez qu’il n’y a pas d’inconvénients dans la coproduction…
Pour réaliser le film qu’on veut, avec notre propre approche, il faut savoir avec qui travailler. Les inconvénients existent, mais il faut savoir les éviter. Je donne mon exemple encore une fois, mon producteur ne m’impose pas sa vision des choses. Je n’ai rien changé à mon scénario, j’ai réalisé le film que je voulais. Il ne faut pas jouer le jeu de ceux qui veulent vous imposer leur vision du monde.

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