Culture

Entretien : Skalli : «miser sur la nouvelle génération»

© D.R


ALM : Le film «Le collier de beignets» où vous interprétez le rôle principal a été réalisé par Jean Fléchet en 1957. Avez-vous, à un moment ou un autre, senti une certaine approche coloniale de la part de ce réalisateur dans le contexte du Maroc post -indépendant ?
Hassan Skalli : A l’époque, nous faisions abstraction de la question coloniale pour la simple raison qu’il y avait des accords entre le Maroc et la France et que les colons avaient quitté le pays. Personnellement, je n’ai jamais considéré la France comme étant le parrain du Maroc. Ceci dit, le mot colonialisme a existé de tous les temps et sous d’autres formes. Je parle ici des nationaux mal éveillés qui peuvent être considérés comme des colons vu leur exploitation de la chose publique.
En outre, la présence française avait ses avantages et ses inconvénients. Ceux qui continuaient à voir le Maroc d’un œil rétrograde, étaient des vautours qui ont touché au prestige de la France elle-même. Nous étions conscients de tout cela et nous avons toujours raisonné avec pragmatisme. C’est pour cette raison qu’on ne s’est jamais sentis inférieurs.

Entendez-vous  par là qu’il n’ y avait aucun complexe par rapport à la France ?
Tout à fait. Les manigances politiques de l’époque ont amené un Maroc ancestral à réagir par le biais de ses propres enfants qui défendaient sa propre personnalité. Les Marocains, tout comme les Français, avaient accès à des collèges et des lycées. Je me rappelle que les meilleurs notes revenaient à nos compatriote. Donc, il n’y avait pas de complexe.

Lorsque vous revoyez ce film où vous avez fait vos premiers pas, que ressentez-vous au juste ?
J’aimerais rappeler que le film «Le collier de beignets» ne peut servir que de repère et d’un appel à la mémoire. Lorsque je revois ce film où j’étais encore très jeune, ce n’est pas comme si je regardais une carte postale. Ce que j’observe en fait, c’est l’environnement. Je ne vois pas Hassan Skalli. Ce sont les qualités de jeunes que je remarque. Automatiquement, je me vois jeune. Mon âge aujourd’hui, me permet de dire aux jeunes de ne pas brûler les étapes et de s’armer de foi. J’entends par là le devoir. Cela permet de mettre de côté son ego et satisfaire l’autre. L’autre c’est nous, c’est le pays, c’est l’image de marque, la raison d’être.

Dans le film, on remarque la présence de ceux qui ont fait les années de gloire du théâtre et du cinéma dans les années 60,70 : entres autres Tayeb Seddiki et Hamadi Amor. Comment percevez- vous aujourd’hui cette époque ?
C’est difficile de parler de cette époque qui était semée d’embûches.
Cependant, notre génération et les noms précités ont eu la chance et le bonheur de passer par l’académisme. La génération des années 60 était constituée de noms qui ont construit le théâtre travailliste à l’époque. J’étais moi-même l’un des fondateurs de l’Association du théâtre populaire. C‘était une époque qui avait à un certain moment donné ses fruits, mais qui avait par la suite connu un certain déclin avec la mort de ceux qui avaient participé à ces années de gloire. Il y avait une phase d’inertie culturelle totale, une phase d’oubli. Ces symptômes ont tendance aujourd’hui à s’estamper. On assiste à une certaine remontée de pente.

Votre regard sur le cinéma d’aujourd’hui est-il positif ?
Je ne condamne pas ces années difficiles que tout le monde déplore. Pour illustrer ma vision des choses, je donne l’exemple d’une greffe. Pour faire cette opération, il faut enlever des membres pour pouvoir relier ce qui est sain et repartir à nouveau sur de bonnes bases. Ainsi, toutes les étapes difficiles sont à anéantir. Aujourd’hui le contre-poison c’est la qualité. Pour reprendre une bonne vitesse de croisière, il faut compter sur la génération montante qui contribue au réveil du cinéma. Pour avancer, il faut faire de son mieux pour jouer de l’accordéon sans fausses notes. Il faut en outre contribuer à développer l’humanisme car c’est ce qui nous reste. Par moment, on se dit que c’est le moral qui compte, l’argent passe au second plan. Le pécule ce n’est que l’éphémère.

Comment avez- vous réagi à l’annonce de l’augmentation du budget du Fonds d’aide au soutien cinématographique ?
Je pense que c’est une initiative louable si elle est prise au sérieux et contribue à tirer le cinéma vers le haut. Ce qui est sûr c’est que dans les temps actuels on assiste à un certain développement de ce secteur si on compare bien-sûr la situation dans laquelle on travaillait dans les années 60. Les cinéastes ont le droit de demander plus d’aide. Leurs doléances sont acceptables et justifiées, mais lorsque cela devient des aboiements, c’est du gratuit. Je profite de cette occasion pour dire que les gens qui ont travaillé dans l’ombre, ce sont des gens sur lesquels il faut compter.

Ces dernières années vous avez joué des rôles avec des réalisateurs de la jeune génération comme Narjis Nejjar et Nourredine Lakhmari. Comment voyez-vous leur conception du cinéma en tant que pionnier ?
Je prends un malin plaisir à travailler avec ces jeunes compétences. Je considère que les réalisateurs issus de cette génération ont une vision internationale du cinéma. Il faut préciser également que les critères sur lesquels je me base sont d’abord le respect. Le courant passe entre moi et ces jeunes. Ils représentent cette qualité des comédiens, des créateurs où la formation et la  rivalité renforcent en eux le sentiment de la foi. Cela ne peut qu’engendrer le meilleur. Je crois en cette foi.

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