Culture

Farfour, la souris de la discorde

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Faut-il tout dire, tout montrer aux enfants ? Vaste débat qui a toujours divisé les pédagogues et les psychologues, mais que semble avoir transcendé, à sa manière, le mouvement intégriste Hamas engagé dans un double bras de fer avec Israël et le mouvement Fatah. Depuis quelques semaines, la chaîne par satellite des héritiers de Cheikh Yassine, Al Aqsa TV, diffuse chaque vendredi un programme de télévision destiné aux enfants et baptisé "Rouad Al Ghad" (Les Pionniers de demain).
Détrompons-nous. Il ne s’agit ni de la vulgarisation de quelque discipline scientifique ni d’une initiation aux utiles TIC et moins de quelques cours de soutien scolaire qui aurait été plus profitables aux enfants palestiniens. "Farfour", personnage élaboré suite à un parfait hold-up ayant détourné le célèbre Mickey Mouse, parle aux enfants de guerre, de martyre, de destruction d’Israël, de l’hégémonie américaine et de la suprématie des Musulmans qui ne tarderaient pas à reprendre les rênes du monde. Pour ajouter à l’intérêt du programme, les enfants des si délabrées cités palestiniennes ont la possibilité de prendre le téléphone pour poser des questions à Farfour.
Ce dernier ne boude pas son plaisir pour leur servir tout le discours qui enflamme les militants du Hamas et contribue à jeter de l’huile sur le feu dans une région à la recherche d’une improbable paix. Et tout y passe. Farfour ne fait pas dans le détail. Ni dans la dentelle non plus. Israël doit être annihilé. Les Etats-Unis paieront, d’une manière ou une autre, leur alignement sur la politique de Tel-Aviv. Les kamikazes sont vénérés et donnés en exemple à suivre. L’Islam est la source de tout progrès, berceau de toute civilisation et garant de toutes les délices du monde.
Levée de bouclier en Israël où, officiellement, le ministère des Affaires étrangères a dénoncé une émission à contenu «incendiaire et outrageux». Les médias occidentaux suivent en relayant les critiques faites à Al Aqsa TV. La polémique enfle davantage quand le même programme est repris par une chaîne de télévision américaine. Des voix s’élèvent dans les territoires sous contrôle de l’Autorité palestinienne pour décrier cette escalade audiovisuelle du Hamas. Le commentaire de Samir Zakkout, spécialiste de la santé mentale à Gaza est des plus incisifs. «Si je peux tuer mon ennemi, je peux tuer mon frère», précise le praticien. Sommé d’intervenir, le ministre Palestinien de l’Information affirme avoir demandé à la chaîne du Hamas de «revoir» son programme. Par la suite, Mustapha Barghouti, essaiera d’édulcorer ses propos en épinglant également la violence de l’occupation israélienne.
Pour Hamas, pas question de suspendre son programme diffusé à un horaire des plus "adéquats" : vendredi entre les deux prières de l’après-midi.
Pour les responsables de la chaîne du Hamas, l’émission "Rouad Al Ghad" véhicule un contenu "éducatif" et il est question «de ne pas couper les enfants de la réalité». Quitte, au-delà de la Palestine, à leur bourrer le crâne de promesse de "libération" de l’Irak ? Et à les imprégner d’images de militants cagoulés armés jusqu’aux dents ou faisant leurs adieux avant d’aller commettre un énième attentat.
La chaîne du Hamas continue de se défendre en s’attaquant à l’impérialisme et ses "relais" qui essayeraient de museler les "voix libres" de l’Islam et de la résistance. C’est sur le site Internet d’Al Aqsa TV, dédié entre autres à une terrible propagande anti-Fatah, que l’un des théoriciens du Hamas s’empare du clavier pour pourfendre les détracteurs de "Rouad Al Ghad". «Il nous est demandé de nous débarrasser de la boue des médias arabes traditionnels qui ne vont pas au-delà des séries roses, des films de normalisation suspects et des nouvelles de Sa Majesté ou de son Excellence», écrit, non sans cette emphase qu’on retrouverait sur la bouche d’un Ben Laden, Mahmoud Ayyach. Ce dernier pousse l’audace jusqu’à demander à épouser le modus operandi de "Rouad Al Ghad". Ces "pionniers de demain" que le Hamas fait défiler dans les rues déguisés en kamikazes et armés de kalachnikov postiches.
Les frères de Khalid Méchaâl et Ismaïl Hanniyeh exploitent actuellement pas moins de cinq sites Internet en plus d’un journal lancé récemment. Al Aqsa TV, lancée il y a près d’un an, a été suspendue avant de reprendre ses émissions. Pour la petite histoire, elle a dû, à un certain moment, émettre ses émissions depuis une mosquée.
Si cela vous dit d’écouter ou voir les vidéos des derniers vœux des kamikazes du Hamas, il n’y a qu’à se servir sur Internet et à des adresses que nous tairons par retenue. Cela n’a rien d’éducatif, ni d’attrayant, le divertissement que sert le Hamas aux jeunes et aux enfants.

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