Culture

Fatiha Morchid : L’euthanasie se veut un acte d’amour dans «Le droit de partir»

© D.R

ALM : Qu’est-ce qui vous a décidée à parler de l’euthanasie dans votre dernier roman «Le droit de partir»?

Fatiha Morchid : En tant que médecin, j’ai souvent été confrontée à la mort et à la souffrance humaine dans toutes ses formes. J’ai constaté que ce n’est pas la mort qui fait peur aux patients mais plutôt la manière de mourir, voire la déchéance de l’être et la souffrance physique et morale qu’elle engendre qui effraient.

Ce qui est intolérable pour l’être humain c’est la perte de son humanité et sa dignité, voilà pourquoi nous souhaitons tous au plus profond de nous-mêmes une mort clémente. En l’occurrence, ce qui m’intéresse en tant qu’écrivaine c’est de poser des questions sur des thèmes considérés «tabous» qu’on évite d’aborder mais qui nous hantent en secret. D’ailleurs certaines situations m’ont bouleversée et interpellé lors de l’exercice de ma profession.

Ce sont ces réflexions que j’ai essayé de partager avec le lecteur à travers mon roman qui en passant n’est pas un essai sur l’euthanasie, mais une belle histoire d’amour dans laquelle cette pratique se veut un acte d’amour. Et si le roman est intitulé «Le droit de partir» c’est qu’il prône le droit à une vie digne où l’homme est libre de décider de son destin.

Des situations bouleversantes qui vous ont interpellée. Comme quoi?

Il peut arriver au service de réanimation que l’on ne dispose pas de respirateurs suffisants et qu’on ait à choisir parmi les patients nécessitant une intubation, lequel choisir?

Décision difficile! Mais il faut agir et vite, pas de place aux réflexions philosophiques. On décide évidemment de faire bénéficier celui qui a le plus de chance de s’en sortir mais comment en être sûr ? Il arrive qu’il ne s’en sorte pas et cela pèse sur la conscience qu’on le veuille ou non.
 
Finalement avez-vous eu affaire à cet acte?

Non, je n’ai jamais pratiqué d’euthanasie ni j’étais confrontée à une demande par un patient. Néanmoins certaines pratiques courantes m’ont toujours choquée : comme signifier à la famille d’un patient, qui ne peut  pas supporter les frais de la réanimation, qu’il suffit de signer une décharge pour le faire sortir. Si on y réfléchit un peu on verra qu’il y a des formes d’euthanasie passives qui sont communément pratiquées.

Que pensez-vous de l’euthanasie au Maroc ?

L’euthanasie est un sujet qui soulève une grande polémique de par le monde. Certains pays l’ont légalisée comme la Hollande, d’autres sont en plein débat comme la France, et elle reste prohibée dans plusieurs pays dont le Maroc. Force est de constater que bien qu’interdite par la loi et les religions, l’euthanasie n’est pas moins pratiquée dans le monde d’une façon clandestine par des associations ou par des individus. C’est dire la nécessité d’un débat responsable au sein du corps médical et des sociétés.

Votre roman est non seulement marqué de mort mais aussi d’amour et d’humour…

Le narrateur, écrivain «nègre», décide derrière les barreaux de la prison d’écrire son roman autobiographique.  Lui qui a toujours écrit pour les autres esquivant la nudité exigée par l’écriture, va se dénuder enfin dans ce roman dédié à la femme de sa vie qu’il a aidé à mourir. Il va raconter son histoire d’amour, ses amis, ses réflexions sur la vie et sur la mort. Il nous fera découvrir à travers la passion de sa bien-aimée, pour les épices et l’art de cuisiner, des aspects insoupçonnés des cultures : arabe, amazighe, occidentale et asiatique. Et surtout il va amener à réfléchir, avec profondeur et sans compromis, sur le sens philosophique de la vie.

Et pourquoi la littérature quand on a réussi sa carrière de médecin?

Borges disait que «la littérature est la preuve que la vie ne suffit pas». Je dirais en ce qui me concerne que la médecine ne suffit pas.

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