Culture

Fatiha Morchid : «Traduire est un geste de générosité extraordinaire»

© D.R

ALM : Comment est née l’idée d’une traduction chinoise ?
Fatiha Morchid : A mes yeux, une traduction est une rencontre avec un texte et pour traduire celui-ci il faut tout d’abord l’aimer. J’avais rencontré la poétesse et traductrice June Yang, l’année d’avant au Festival international de poésie et de céramique en Chine, elle avait traduit quelques poèmes à moi pour le festival et de là a commencé l’histoire d’une rencontre. Rencontre entre deux êtres, deux cultures, deux langues. Et puisque traduire est un voyage à la rencontre de l’autre, l’autre en soi et par de là soi-même, Mme June Yang est venue au Maroc et nous avons passé deux semaines ensemble à travailler sur la traduction. C’était important pour elle, afin d’approcher davantage ma sensibilité poétique, d’approcher ma vie quotidienne.

Etes-vous satisfaite de cette traduction ?
Le fait que ce soit June Yang qui s’est proposée, elle-même, à faire cette traduction était pour moi la garantie que « la rencontre amoureuse » entre elle et mes poèmes a bien eu lieu. Parce qu’on ne réussit que ce qu’on aime et que traduire est un geste de générosité extraordinaire. Khalil Jabrane définit la traduction comme «la transformation de la beauté d’une langue en la beauté d’une autre langue» et le fait que Mme Yang soit poétesse elle-même, je savais que la beauté de la langue arabe ne peut qu’être sublimée par elle dans sa propre langue. D’ailleurs lors du Festival, les poètes chinois l’ont tous félicitée pour la qualité de son travail. Aussi le poète et critique, Huang Lihai, qui dirige la collection «Poetry and People» dans laquelle est apparue la traduction de mon recueil, jouit d’une grande estime dans le milieu littéraire chinois.

Outre la longueur du poème, on assiste à un amalgame de sentiments et de thèmes. Pourquoi avoir opté pour ce choix ?
Il s’agit d’un seul et long poème que j’ai écrit de manière fragmentée de telle sorte à ce que chaque fragment soit indépendant. Vous pouvez ouvrir n’importe quelle page, lire un fragment et méditer dessus, comme vous pouvez lire tout le recueil et vous rendre compte qu’il s’agit d’une histoire d’amour ou plutôt de la fin d’un amour. C’est une écriture sur l’amour dans sa dimension humaine, philosophique et existentielle. Une écriture sur la complexité de la relation humaine. Et si elle exprime toutes les émotions c’est parce que toutes les émotions contradictoires coexistent dans une relation amoureuse. L’amour a plusieurs visages, il n’est pas que noir ou blanc, c’est un arc-en-ciel qui comporte toutes les nuances de couleurs.

Que vouliez-vous insinuer par ce titre «Unspoken» ?
Il y a toujours une part du non-dit qui prête à confusions car elle supporte plusieurs interprétations qui créent le drame dans une relation humaine. Je pense que tout ce que nous écrivons constitue cette part d’Unspoken en nous, car seule l’écriture, avec la marge de liberté qu’elle autorise, permet de dire les choses qui constituent notre essence propre. Notre vérité. L’écriture est une thérapie, je crois en la capacité du mot en son pouvoir de construire et de détruire aussi.

Pensez-vous avoir tout dit dans «Unspoken» ?
Je ne sais pas qui avait dit que : Le poète écrit le même poème le long de son existence mais différemment. Peut-on tout dire? Même si on avait le courage de le faire, il faudrait tout savoir sur soi et personne ne peut prétendre cela. La quête du soi est un processus perpétuel.

Quel est le mobile du recours à la langue arabe alors que vous avez reçu votre formation en médecine en langue française ?
Mon père était enseignant de langue arabe, alors j’ai nourri une passion pour cette langue qui a marqué mon enfance et mes émotions. Il est vrai que, parfois, l’image poétique s’impose à moi en français, mais elle coule de moi en arabe parce qu’elle est, justement, la langue de mon enfance et de mes émotions. Aussi un médecin a plus besoin de cultiver tout ce qui lui permet de sauvegarder sa part humaine lors de l’exercice de sa profession. Seule la littérature, la musique, l’art… lui permettent cela. D’ailleurs, la poésie est ma bouffée d’oxygène en tant que médecin.

C’est grâce au recueil « Unspoken » que vous avez réussi à décrocher le Prix du Maroc du livre. Quel sentiment cela vous a fait?
J’étais heureuse en tant que médecin de cette reconnaissance de la part du milieu littéraire. Mais en tant que poétesse, je savais que les Prix de poésie n’ont jamais fait les poètes. Car rien n’est jamais acquis en matière de créativité et que la poésie est une douleur d’enfantement permanente.

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