Culture

Festival ineffable d’Essaouira

Les mots peinent à décrire ce qui se passe à Essaouira. Il existe des festivals dont on peut rendre compte, parce que le plus clair des activités se produisent sur scène. Dans celui d’Essaouira, c’est la ville entière qui est concernée, transformée par l’événement.
Toute personne est immédiatement saisie par l’esprit de cette manifestation. D’immenses scènes ont été aménagées dans les principales places de la ville. Les matinées languissent dans l’attente des après-midi. Les nuits sont toutes possédées par l’esprit gnaoui. Jeudi 13, après l’ouverture officielle, les maâlems Mustapha et Ahmed Bakbou ont enflammé la place Moulay Hassan. Les deux frères ex-Jil Jilala se sont produits dans un concert avec un excellent bassiste : Linley Marthe. Originaire de l’Ile Maurice, ce dernier joue avec les noms les plus célèbres du jazz. On aura beau dire que la fusion défigure la musique gnaouie, basée, il ne faut pas l’oublier, sur des rites de possession. Pourtant, cette fois-ci, elle a très bien fonctionné. Les instruments inconnus à la musique gnaouie l’ont dotée de la richesse d’un véritable orchestre, sans rien modifier des rythmes qui la fondent.
Et le public présent ne s’y est pas trompé. Il danse, bat des mains. Vu de loin, cette foule ressemble à une mer en agitation. Seuls les bras levés vers le ciel balancent, telles des épines agitées par le vent. Vu de près, des groupes dansent en se laissant pénétrer par la musique. Leur danse est fortement inspirée des personnes qui entrent en transe pendant les lilas.
Vendredi 14 juin, les jeunes musiciens du groupe Derga ont ouvert le bal. Ils ont tous entre 18 et 24 ans. L’intérêt des jeunes pour la musique gnaouie est un bon signe. Nabil Sakhra, chanteur du groupe, précise à cet égard : «Le festival d’Essaouira est à l’origine de notre intérêt pour la musique gnaouie. Nous sommes déterminés à jouer les musiques de notre pays. Avec d’autres jeunes groupes, nous assurons la relève». Le maâlem Regragui leur a succédé. Il joue d’une façon sobre.
En matière d’instruments, un hajhouj et des crotales produisent des phrases musicales qui se répètent d’une façon lancinante. Le concert de maâlem Regragui s’ouvre de surcroît aux rites. L’un des membres de son groupe, portant un voile sur le visage, a dansé avec un ventre bombé. Deux gnaouis ont arraché à cet homme l’objet caché sous ses vêtements. Il s’agit d’une poupée ! Un trouble étrange s’est emparé du public lorsque les ganouis ont commencé à danser avec la poupée en l’envoyant dans l’air. Maâlem Regragui a été rejoint ensuite par trois musiciens. Un batteur américain, Jamey Haddad.
Un guitariste malgache, Solorazaf et un clarinettiste français, Didier Malherbe. A l’instar de la fusion de la première soirée, celle-ci a également dispensé un grand moment de musique. Le public avait rendez-vous ensuite avec Abderrahman Pacca, l’ancien membre du célèbre groupe Nass El Ghiwane. Pacca a déçu son public. Il a chanté seulement des chansons de Nass El Ghiwane. Ce qui est évidemment une bonne chose pour enflammer les personnes présentes. Personne ne se lasse des chansons de Nass El Ghiwane. Mais plusieurs jeunes ont exprimé leur insatisfaction après le concert.
Ils attendaient autre chose de Paco qu’une reprise telle quelle du répertoire de Nass El Ghiwane. La «Diva du désert», celle qui a été la révélation de la dernière édition du Festival des musiques sacrées de Fès, est entrée ensuite sur scène. La chanteuse mauritanienne Dimi Mint Abba est tout simplement sublime. Elle fait partie de cette race authentique de concertistes qui donnent à chaque fois le meilleur d’eux-mêmes à leur public. Le grand maâlem Mahmoud Guinéa met également du coeur à l’ouvrage. Mais il en met trop peut-être. Certes, il a déchaîné la foule immense qui l’attendait depuis 22 heures à la place Moulay Hassan. Il est resté sur scène jusqu’à près de trois heures. Mais apparemment, il n’aime pas les fusions avec des musiciens étrangers. Il s’est comporté d’une façon cavalière avec 5 musiciens venus d’autres pays. Alors qu’il était programmé qu’il se produise avec eux, il les a laissés attendre longtemps, et a littéralement saboté leurs prestations en solo lorsqu’ils ont essayé de jouer.
Cette petite crise de l’ego de maâlem Mahmoud Guinéa -sa gnaouia peut-être- ne doit pas nous faire oublier que ce qui se passe actuellement à Essaouira est si exceptionnel que les alizés de la ville semblent souffler avec des crotales.

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