Culture

Hamza : «Il faut actualiser l’enseignement Musical»

© D.R

ALM : Aux côtés de vos deux frères, vous faites partie des premiers musiciens qui ont choisi le Jazz comme style. Quel état faites-vous de la situation du Jazz au Maroc ?
Vous savez, le Jazz n’est pas une musique populaire, donc forcément, elle n’est écoutée que par une catégorie de personnes. Pour ne pas dire l’élite, car c’est un terme que je n’aime pas beaucoup. Pour que cette musique se répande, il faut qu’elle soit appréciée et écoutée par un grand nombre d’individus. Ceci dit, le Jazz au Maroc possède malgré tout ses amateurs inconditionnés même si leur nombre est réduit par rapport aux fans de la musique châabi, ou autre style populaire.

Comment se fait l’évolution de ce style au Maroc ?
Cette évolution se fait assez lentement étant donné que les musiciens de Jazz n’ont pas beaucoup l’occasion de se produire et de faire valoir leur art. Parce qu’après tout, on ne joue pas pour nous on joue pour un public. J’entends par ces propos que les médias en général et télévisés en particulier n’accordent pas assez d’importance au Jazz. C’est rare où les musiciens de Jazz sont invités à des soirées télévisées. Pourtant ce média a un grand rôle à jouer dans la promotion de la musique et des musiciens marocains.

Peut-on répertorier le nombre de Jazz-men marocains ?
Il y a très peu de Jazz men au Maroc. En tout, ils pourraient exister une dizaine. Parmi les noms que je connais personnellement, on peut citer les frères Akkaf ainsi que Mjid Bekkas. Tous ces musiciens se sont donné comme mission de développer le Jazz et de lui donner une touche personnelle. Ainsi la démarche intellectuelle existe même si elle n’est pas hybride et se caractérise par une certaine dynamique dans les styles de chaque musicien. Chaque Jazz man donne son empreinte personnelle à sa technique et à sa création.

Mais peut-on parler actuellement de l’existence d’un Jazz purement  marocain ?
Pour l’instant, on ne peut guère parler d’un Jazz marocain. Comme tout le monde le sait, le Jazz a été apporté par les Américains. Il a commencé à se développer dans les années 50 à Tanger. C’est la rencontre avec d’illustres Jazzmen comme Randy Weston entre autre qui ont favorisé le développement de ce style aujourd’hui. Cependant, les musiciens de Jazz marocains ont su profiter de cette influence pour donner naissance à une nouvelle forme de Jazz.

Quelles sont les spécificités de cette nouvelle forme de Jazz dont vous parlez ?
En fait, il s’agit de jouer le Jazz à la manière marocaine. La qualification, c’est de puiser dans le patrimoine marocain. Cela donne lieu à des rythmes occidentaux sur des gammes orientales. À partir du style original du Jazz, il faudrait essayer de mettre en valeur les genres qui font partie de notre héritage musical. Le fait de revenir sur les traces de la musique Gnaoua par exemple ou andalouse en l’intégrant au Jazz est une sorte de remise en valeur. Mais tout cela nécessite un travail en profondeur pour pouvoir réussir une véritable fusion.

Ce terme est de plus en plus à la mode. Quel est selon vous le secret pour réussir une vraie fusion ?
Oui, en effet, on entend de plus en plus ce mot de la fusion. La fusion se caractérise par une rencontre improvisée entre divers styles musicaux. Les fusions ne concernent pas uniquement le Jazz et le Gnaoua, mais aussi le Jazz et le rock par exemple. Certains observateurs du milieu musical contestent les fusions en déclarant qu’elles peuvent dénaturer le style original. Ils ajoutent également que les fusions produisent une sorte de confusion des rythmes. Cela peut être vrai dans la mesure où la fusion n’est pas réussie. En effet, ce ne sont pas toutes les fusions qui arrivent à donner un résultat probant. Mais personnellement je suis un vrai partisan de la fusion. Je trouve qu’il faudrait encourager les musiciens qui font des expertises et des recherches musicales. Je pense également qu’il faudrait perpétrer cette tradition. C’est de cette manière qu’on pourrait également donner naissance à un nouveau style de Jazz qui n’est pas simplement puisé dans les répertoires classiques et célèbres mais qui possède une caractéristique identitaire et universelle.

Vous enseignez également la guitare aux enfants à la fédération des œuvres laïques à Casablanca. Que pensez-vous de l’importance de la formation académique ?
La formation académique  possède un rôle très important. Ceci dans la mesure où les conservatoires et les écoles visent normalement à créer des musiciens professionnels. On pourrait dire également que la formation crée des « performances ». Ces mêmes talents pourront être aptes par la suite à exprimer leurs idées de façon claire et jouer avec compétence. Mais il existe toutefois des musiciens professionnels qui sont autodidacte, (tel est mon cas), et qui se sont formés seuls. En ce qui me concerne, j’ai appris avec les musiciens que j’ai rencontrés et avec qui j’ai partagé l’expérience. Je trouve qu’il y a toujours à apprendre de l’autre.
 
Vous voulez dire par là que la formation dans les conservatoires n’est pas suffisante ?
 La formation dans nos conservatoires n’est pas suffisante. Le niveau de cette formation se base sur des moyens très faibles. La pédagogie musicale date du début du siècle dernier. Il faudrait actualiser l’enseignement musical. Au lieu de faire par exemple plus de cours théoriques que pratiques, on peut inverser la donne. Je donne l’exemple des Etats-Unis qui dès la première année de cours au conservatoire, l’élève apprend à manier l’instrument. J’ai eu l’occasion de voir un certain nombre d’ouvrages et j’ai beaucoup apprécié l’approche. Etant donné que le monde va très vite, il faut s’adapter aux nouvelles technologies et non fonctionner avec des méthodes des années 20. Les professeurs dans les conservatoires pourraient penser par exemple à encourager les enfants à organiser des concerts. C’est seulement de cette manière que les musiciens peuvent être performants.

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