Culture

Henri Dubois-Roquebert, l’ami des Rois

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«J’ai lu d’un trait le manuscrit que vous a laissé votre père ». Cette phrase, écrite par feu Hassan II dans une lettre adressée à Bruno Dubois-Roquebert, exprime le plaisir que communique la lecture du bouquin. Passionnant, « Mohammed V, Hassan II, tels que je les ai connus » est resté inédit près de 32 ans. Les héritiers de son auteur, Robert Dubois-Roquebert, n’ont décidé sa publication qu’en 1999. La question du bien-fondé de la publication des témoignages ne se posait pas pourtant, puisque leur auteur les avait rédigés afin qu’ils voient le jour sous une forme imprimée. Henri Dubois-Roquebert a laissé un livre achevé ! Il avait même désigné un préfacier pour ses pages. Le hasard a voulu que l’auteur meurt sous les balles, pendant le coup d’Etat manqué de Skhirat le 10 juillet 1971, peu de temps après avoir mis un point final à son ouvrage. Autre hasard troublant, Hassan II meurt deux mois après en avoir approuvé la publication. De quoi s’agit-il dans ces témoignages qui sont restés longtemps confidentiels ? Henri Dubois-Roquebert, un chirurgien, s’installe à Rabat en 1932 et tombe immédiatement amoureux du Maroc et des Marocains. Le chirurgien brouille les codes de conduite, en recevant chez lui des Marocains. Il tisse des liens avec eux, apprend à connaître le pays. En 1937, il est amené à intervenir chirurgicalement pour soigner Mohammed V. Après cette intervention, il devient l’ami, le confident et le conseiller – même s’il se défend de cette qualité – du défunt Souverain. Un admirateur total de la personne de Mohammed V. Dans ses témoignages, il remonte loin, bien avant l’intronisation de ce Souverain, pour évoquer les intrigues du Palais, les jeux d’influence et d’intérêt. Ainsi le vol d’un tapis dont on a accusé, injustement, Mohammed V pour lui faire du tort auprès de son père malade et barrer la route à sa désignation par les Français comme futur Sultan du Royaume. Le mérite des témoignages de Dubois-Roquebert, c’est qu’en même temps qu’ils sont dévoués à Mohammed V, et ensuite à Hassan II, ils reconstituent la vie d’une époque. Leur auteur est précis dans les faits, sans être sec dans leur narration. Même si Dubois-Roquebert se défend de faire le travail d’un historien, la précision des noms, des généalogies et des dates est impressionnante. Vraisemblablement, le projet de ce livre a été réfléchi de longue date. Son auteur tenait probablement des fiches qui l’ont aidé plus tard dans la rédaction. Il a également gardé des documents autographes et des photographies. À ce sujet, il a entretenu un échange épistolaire substantiel avec feu Hassan II. Les lettres de ce dernier sont reproduites à l’état manuscrit. Le livre est également riche par une iconographie inédite. À côté de cette précision, le livre présente toutes les qualités qui rendent attachante la lecture des témoignages. D’abord l’anecdote. Selon l’auteur, Mohammed V arrêtait souvent sa voiture pour « répondre à l’appel d’un auto-stoppeur». Ensuite le portrait : « Mohammed V aimait les humbles, les simples et ce penchant social expliquait sa tendance vers la gauche. Il souhaitait améliorer la condition des humbles et les programmes politiques des partis progressistes l’attiraient ». Et enfin l’émotion, celle dont a été témoin le chirurgien lors de l’exil de la famille royale en Corse et à Madagascar. Dans « Mohammed V, Hassan II, tels que je les ai connus », Henri Dubois-Roquebert apparaît comme un original, à la fois humaniste et libéral. Dans son épilogue, il écrit : « A l’heure où s’échafaude un monde nouveau, alors que l’on observe parmi les nations les mutations les plus imprévues, il ne faut pas être doté de beaucoup d’imagination pour comprendre la place que le Maroc est appelé à prendre dans le monde de demain». Si cette prophétie venait à s’accomplir, on dira aussi d’Henri Dubois-Roquebert qu’il était visionnaire.

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