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Hicham Daoudi : «Pratiquement 60% de notre chiffre d’affaires est suspendu en ce moment»

© D.R

Entretien avec Hicham Daoudi, fondateur et gérant de la CMOOA

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Le Royaume-Uni, les Etats-Unis, la France et plus récemment la Chine dominent les premières places du marché mondial de l’art. Dans cette course, le Maroc tente progressivement de se faire une place depuis quelques années. Ainsi, les œuvres de certains artistes marocains commencent à être de plus en plus prisées par les amateurs internationaux d’art. Ce qui a créé une dynamique dans le domaine de l’art au niveau national. Néanmoins, cet élan est actuellement freiné par le contexte de crise sanitaire mettant en péril les personnes dépendant de ce secteur. Hicham Daoudi, fondateur et gérant de la Compagnie marocaine des œuvres et objets d’art (CMOOA), nous livre son point de vue.

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ALM : Comment se porte le marché de l’art actuellement au Maroc et comment vous organisez-vous en tant que galeristes dans cette période?

Le marché de l’art actuellement est dans une période d’attentisme. On ne connaît pas la date de la fin de cette crise sanitaire. En ce qui nous concerne notre équipe est dispersée entre Casablanca et Marrakech. Il est difficile de nous réunir et de dialoguer les uns avec les autres et donc c’est une période où on essaye de trouver nos marques et dispatcher les tâches. Le télétravail est plus facile à dire qu’à réaliser parce que nous on a toujours besoin de photographier les œuvres, de pouvoir les légender, de pouvoir se documenter et à distance communiquer dessus devient pratiquement impossible. Donc le marché de l’art est un peu à l’arrêt en ce moment.

Quel impact la crise sanitaire actuelle a-t-elle sur votre travail et quels étaient les projets programmés dans cette période et que vous avez dû reporter ?

L’impact est terrible parce qu’entre le mois de février et le mois de mai jusqu’à fin Ramadan c’est la deuxième partie de la saison qui est la plus importante chez nous. Nous avions par exemple à Casablanca deux ventes aux enchères sur lesquelles nous travaillions et nous devions avoir deux grandes expositions à Marrakech dont une qui venait à peine de commencer. Donc une qui est à l’arrêt et deux autres projets qui sont dans nos tiroirs. Ça fait donc 3 expositions et deux ventes aux enchères entre Casablanca et Marrakech qui sont décalées jusqu’à nouvel ordre. Pratiquement 60% de notre chiffre d’affaires est suspendu en ce moment.

Certains musées ou galeries ont ouvert leurs portes via ce qu’on appelle des expositions virtuelles. Que pensez-vous de cette forme de contact avec le public ?

Effectivement, certains musées et galeries permettent des visites statiques et virtuelles, c’est-à-dire un film ou animation dans lequel on peut circuler et on voit un peu les œuvres figées sur les murs. Pour certaines plates-formes dédiées aux ventes on ne voit que l’œuvre d’art. Ces formes de visites virtuelles favorisent le contact avec le public mais il faut avoir un outil très bien adapté aux nouvelles attentes du numérique pour ne pas décevoir le visiteur et ces outils coûtent soit trop chers pour leur abonnement, soit pour leur production. Donc, c’est bien qu’on puisse visiter des musées virtuellement mais est-ce pour autant qu’un marché de l’art ou des visites d’exposition sont la solution actuelle ? je ne sais pas. De toutes les manières il va falloir nous adapter à cela et améliorer l’infrastructure numérique pour pouvoir parer (malheureusement) à ces situations de crise, qu’on risque de ré-affronter dans un futur proche.

Quelle influence a justement le numérique sur le marché de l’art au Maroc?

Jusque-là le numérique était au service d’un travail et en fait il n’était que l’outil publicitaire ou l’outil de diffusion. Maintenant il devient «le lieu du marché» et ça c’est un changement radical. C’est un changement de pratique, c’est un changement de mode de travail et c’est un marché qui est encore plus ouvert sur le monde. Mais comment inviter les gens à visiter vos outils numériques, comment délivrer les bons messages sur ces outils numériques, comment s’assurer du trafic récurrent et régulier en bonne condition de ces plates-formes ? Tout ça nous échappe encore. Dans le futur, la part du numérique sera de plus en plus grande mais je pense que pour les œuvres d’un certain niveau, le recours à l’interaction humaine ne pourra jamais être remplacé.

Le marché de l’art était en plein essor avant cette crise. Comment voyez-vous le retour à la normale après cette période de confinement? Pensez-vous que la reprise sera rapide ou est-ce qu’il faudra du temps pour que les affaires reprennent ?

Le marché de l’art marocain était en bonne forme, il n’était pas dans un essor fulgurant parce qu’on sortait auparavant de deux années difficiles 2018 et 2019. Il y a peut-être une demande forte pour certaines œuvres de certains grands artistes qui eux ne connaîtront pas la crise parce qu’ils sont devenus des artistes universels, mais est-ce que le marché des autres artistes ne sera pas affecté ? Evidemment qu’il le sera. La reprise ne sera pas facile pour les valeurs en cours de construction ou les artistes à promouvoir et peut-être qu’elle sera plus rapide pour les artistes qui ont déjà un nom ou une installation. Regardez les résultats obtenus par Mohamed Melihi et Farid Belkahia récemment à la vente de Londres chez «Sotheby’s», ils n’ont pas pâti de la crise du Covid-19. Pour la suite, il nous faudra du temps, beaucoup de courage surtout, l’adhésion des gens pour pouvoir reprendre une dynamique, que les gens n’aient pas peur de revenir dans les espaces d’art, que la convivialité et l’esprit d’une célébration artistique donnent envie aux gens de les rejoindre. Il nous faut du temps… mais aussi des aides. Il ne faut pas avoir honte d’en parler. Nous en avons besoin dans notre secteur. Parce que nous avons tous envie d’être des patrons responsables et solidaires avec nos employés et nous voulons que personne ne soit privé de son salaire ou de sa rémunération. A un moment donné si ça continue et que le mois de Ramadan arrive, soit on pourra bénéficier d’une forme d’aide, soit on risque de «mourir» avant l’été.

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