Culture

Hussein Tallal, trente ans après

© D.R

Tallal est de retour. Il introduit une note fraîche, personnelle, hors-la-loi dans la tendance dominante de la peinture marocaine. Alors que l’art abstrait rime désormais avec art moderne, Tallal peint des tableaux figuratifs. Pour les peintres marocains, qui ont marqué la jeune histoire des arts plastiques du pays, l’abstraction a été considérée comme une nécessité pour se distinguer des artistes naïfs et rattraper le train de l’avant-garde occidentale. Le hic, c’est qu’ils se sont si bien complus dans cette expression qu’ils n’ont plus pensé à l’interroger ou à se renouveler. Certains ont fini par en puiser toute la substance et répètent le même tableau depuis deux décennies. Pour le spectateur marocain, cette peinture ne dispense plus d’étonnement. La surprise – qui est un élément moteur dans l’appréhension des oeuvres d’art – est d’emblée exclue. À quoi bon se rendre à une expo où l’on verrait des tableaux qui ressemblent à ceux de la galerie d’à-côté ou du vernissage du mois dernier qui ne se distingue pas de celui d’il y a dix ans ? Il ne s’agit pas de faire le procès de la peinture abstraite, d’autant plus que les oeuvres de certains peintres non-figuratifs sont porteuses de tension et capables de générer une émotion chez le spectateur, mais de s’étonner de l’uniformisation de la peinture marocaine. De très nombreux peintres marchent au pas. Lorsqu’un artiste refuse de se rallier à leur rang, il mérite qu’on lui fasse un triomphe. Tallal marche seul. Il peint des personnages. La figuration n’est pas honteuse chez lui. Elle s’affiche ostentatoirement. Elle se déploie sur une toile de 2 m/ 1, 80 m. Peinture gigantesque en adéquation avec la carrure de son auteur qui a de l’envergure. Le miracle de cette stature, c’est que sa force ne se change jamais en brutalité dans les tableaux. Tallal a une main puissante à serrer et peser, mais non pas à frapper pour abattre. Une main plutôt faite pour pétrir et comprimer, en vue de donner aux choses entreprises une plus grande densité. Cette main ne s’exprime jamais avec autant d’aisance que dans le dessin. Dans ses meilleurs tableaux, Tallal ne cache pas le trait du dessin. Sa ligne marquée ne se dérobe pas sous la peinture. Bien au contraire, c’est la peinture qui est exploitée avec parcimonie. Tallal utilise très rarement plus de trois couleurs dans ses tableaux. Avec ces couleurs, il procède à la manière des enfants qui se livrent à un exercice de coloriage. Le personnage est déjà dessiné à l’aide de l’encre et du fusain. Tallal intervient ensuite avec de la peinture pour colorier des pans de vêtements, introduire une note qui ravive l’ensemble. Il ne mord pratiquement jamais sur la ligne de son dessin. En atteste une très belle pièce où une mère est assise à côté de son enfant. Ce tableau est pratiquement sans couleurs, à l’exception d’une note rouge que l’artiste a apposée sur les lèvres de la mère. Quelle présence confère cette tache pourpre à l’ensemble de l’oeuvre ! Au reste, les rares couleurs utilisées par le peintre sont criantes. Elles sont adaptées au thème de l’exposition : “artiste, voyageur de nuit“. Si par leur taille, les personnages de Tallal rappellent les Baigneuses de Picasso, le thème, traité par le Marocain, est également picassien. Les saltimbanques ont tant de fois chatouillé l’imagination de l’artiste espagnol, à tel point qu’ils font office dans son oeuvre de genre pictural. C’est à ce thème que Tallal s’attache exclusivement dans sa série de dix pièces. Un thème qui fait voyager et rend compte de la fragilité de la situation de l’artiste qui reste au fond un saltimbanque. Que Tallal ait voulu marquer par une figure emblématique de l’artiste sa première exposition individuelle à Casa, après 30 ans d’absence, cela veut dire aussi que la préoccupation de l’art n’a jamais cessé de l’habiter.

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