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Interview de Alaa Zouiten : «Avec mon oud, je parle plusieurs langues musicales»

© D.R

ALM : Votre second album, «Talking Oud», est largement salué sur la scène. Quelle est sa particularité et pourquoi «Talking Oud » ?
Alaa Zouiten : Je l’ai nommé ainsi parce que, avec mon oud j’essaie de parler plusieurs langues musicales. Dans cet album, je donne la parole au oud et aux instruments qui l’entourent. Je joue en quintet. Parfois même on se retrouve dans une sorte de big band avec deux saxophones, trombones, trompettes en plus de la quintet (basse, batterie, oud, piano et saxophone, ndlr). La particularité de cet album c’est la touche de l’invité spécial, Ghani Khrija, un percussionniste de renommée mondiale. Avec lui, nous avons ajouté une empreinte arabo-andalouse et marocaine à l’album. Des instruments comme les incontournables «bandir et taarija» ont cohabité donc, le temps d’un album, avec des rythmes latino-américains.

Vous vous autoproduisez. Est-ce que c’est évident de le faire ?
Ce n’est jamais évident. Dans le processus de création il y a des étapes. Et à chacune, on rencontre des challenges et des difficultés. J’essaie de les résoudre, peut-être les éviter pour aller de l’avant. Le premier problème qui se pose est bien évidemment d’ordre financier. J’ai autoproduit mes deux albums. J’avais quelques compositions dans le tiroir et je les ai pré-sorties quand j’en ai eu l’occasion, c’est-à-dire une bourse. Et c’était AFAC (Arab fund for art and cultures), une institution qui soutient la culture dans le monde arabe qui m’a soutenu.

La plupart des artistes, tel est votre cas aussi, se produisent à l’étranger avant de faire un retour au Maroc. Rares ceux qui s’exportent de chez nous. Est-il si compliqué de percer la scène marocaine ?
Si je suis là c’est que je suis de passage, il ne faut pas le prendre mal mais je n’ai pas forcément classé ça par ordre de priorité. Se produire spécialement au Maroc n’était pas l’objectif derrière mon art. Je me considère comme musicien du 21ème siècle. Je m’ouvre donc à toutes les possibilités créatives, dans le monde entier. Je n’exclus pas le Maroc comme marché musical, bien que, sincèrement je ne pense pas qu’il y ait un marché musical au vrai sens du terme chez nous. Ceci dit, quand je suis dans le processus de création je ne pense pas au lieu de production, encore moins de commercialisation. Il faut d’abord que le produit soit bien fait et à une qualité optimale.

Que représente la rencontre avec Jbara dans votre ascension artistique ?
C’était entre 2007 et 2009. J’ai appris énormément de  choses aux côtés de Jbara. A commencer par l’art de se présenter sur scène. J’étais dans son groupe, on se produisait dans des festivals et c’était pour moi une nouvelle expérience. Je me souviens de la fois où on a joué dans le cadre de la fête de la musique et  c’était la plus grande scène que j’ai vue de toute ma vie. Elle était grandiose. C’est là, dans ce genre d’expériences que notre présence se forge parce que l’on se voit confronter et gérer des contraintes aussi techniques qu’artistiques. C’est également grâce à Jbara que j’ai rencontré des musiciens de la nouvelle scène marocaine à l’époque. On peut dire que ma rencontre avec cet artiste a marqué le début de ma carrière.

Peut-on dire que l’exercice live est aussi bien important que celui du studio ?
Le plus important, ce sont les répétitions. Avec Jbara, on passait des heures et des heures de répétition, renfermés sur nous-mêmes et sur notre art. Cet exercice-là est très important dans la vie d’un artiste. Je considère cela même comme un acte de résistance. Vous savez, en dehors du lieu de répétitions, de ce cocon, nous attendent toutes sortes de contraintes matérielles, de relations sociales, et tout un monde auquel il faut se déconnecter et se concentrer sur l’essentiel: La beauté de l’art. Maintenant, pour vous répondre, l’exercice live est aussi important que celui du studio.

Vous avez côtoyé la nouvelle scène; Darga, Hoba Hoba et d’autres. Quel est votre positionnement quant à la fusion ? Certains pensent qu’elle dénature l’art…
Que veut dire dénaturer ? Il n’y a pas d’art figé. Il n’y a que la musique. On sent son authenticité en l’écoutant sans prêter attention aux codes et mélanges auxquels elle a pu avoir recours. La musique est une expression. Bien sûr il  existe des puristes, conservateurs et traditionnalistes que je respecte mais il faut savoir qu’il est aussi exigeant de respecter des normes que de les casser. Maintenant ce que je peux reprocher à certains artistes qui font de la fusion, c’est qu’ils n’ont pas de formation musicale solide. Si moi artiste, je voudrais faire une fusion Gnawa/Rock, je dois maîtriser aussi bien l’art gnaoui que le rock. Parfois j’ai l’impression que les musiciens sont paresseux et choisissent la facilité. Ce n’est pas du moment qu’un son est rythmé et qu’il passe qu’on peut le définir en fusion. A l’origine, la fusion n’est pas mélanger les styles. La fusion est un terme qui veut dire Jazz-rock, qui est apparu dans les années 60’. Ce n’est que plus tard que ce terme a englobé ce que l’on peut nommer fusion aujourd’hui.

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