Culture

Jacques Brel, le Marocain

© D.R

«On ira voir les filles chez la Madame Andrée… », chante Jacques Brel dans « Jeff » pour consoler un ami de la cruauté d’une Blonde. La Madame Andrée en question apaisait l’ardeur des hommes sous le soleil du Maroc. « Elle était très célèbre au bordel le Sphinx à Mohammedia », nous confie Ali Hassan, doyen des animateurs radio au Maroc. Le souvenir de cette femme a tellement marqué le chanteur belge qu’il l’a invoqué comme une ultime preuve pour ne pas se laisser effondrer par un chagrin d’amour. Brel et le Maroc, ce n’est pas seulement l’histoire d’un ancien bordel où les femmes savaient mettre du coeur à l’ouvrage. D’après Ali Hassan, qui l’a connu, son premier contact avec le Maroc remonte à 1956. Il a chanté aux arènes de Casablanca, alors qu’il était encore peu connu en France. En 1959, il a donné un concert à Rabat dans la salle de cinéma l’Agdal, aujourd’hui démolie. Il a également effectué une tournée au Royaume en 1966, durant laquelle il s’est produit à Rabat, Casablanca et Meknès. Et puis, il ne venait pas seulement au Maroc pour des raisons professionnelles. Et pour preuve, « La valse à mille temps », aurait été composée en 1960 ou 1962 sur la route qui relie Casablanca à Tanger. L’intérêt de Brel pour le Maroc s’est confirmé en 1973, année pendant laquelle il a été invité par le festival des arts traditionnels de Marrakech. Bien plus, Brel aurait hésité à s’établir au Sud du pays avant d’élire domicile aux îles Marquises. Ces informations se trouvent dans un substantiel entretien accordé par Ali Hassan à une journaliste belge. Cet entretien fait partie d’un ouvrage collectif intitulé « Brel et le Maroc ». Le livre restitue les débats d’un séminaire intitulé « Jaques, tu frères encore ». L’événement a été organisé en 2001 par la Délégation Wallonie Bruxelles au Maroc et la faculté des lettres à Rabat, à l’occasion du 25e anniversaire de la disparition du chanteur. En plus des propos d’Ali Hassan, le livre comprend plusieurs textes et témoignages de passionnés de Jacques Brel. Ainsi, le très beau texte du poète Mohamed Loakira où il précise que « Brel est d’abord poète. Chanteur ensuite ». Loakira a souligné dans son texte l’importance du choix des mots du chanteur, de même que sa préoccupation du temps et de la mort. « Il nous dit dans sa poésie, par sa voix, dans la rumeur du monde, en un va-et-vient maîtrisé où la tendresse, l’humour acerbe, où la rudesse du texte et l’orchestration de la musique se répondent, s’entrecroisent, s’écoutent à tour de rôle, se superposent ou s’emmêlent, sans pour autant étouffer la portée de l’une par rapport à l’autre», écrit Loakira. D’autres intervenants ont également souligné des aspects multiples dans l’oeuvre du chanteur et compositeur belge, au regard de leurs préoccupations respectives. Le chorégraphe Lahcen Zinoun s’est intéressé à la tension qui permet au « corps de Brel de chanter ». Il explique que le corps de Brel possède une présence à laquelle parviennent les danseurs après des années de métier. L’homme de théâtre Ahmed Badry s’est attardé, quant à lui, sur la théâtralité des interprétations du chanteur. Un grand acteur s’est révélé dans « L’homme de la Mancha », l’une des représentations parmi les plus tendres et les plus pénétrantes de Don Quichotte. Le peintre Fouad Bellamine a étudié de son côté la picturalité du « Plat pays ». Dans le gris dominant de cette chanson, il a découvert une « ponctuation colorée unique : le blond de Frida ». Autant de témoignages qui prouvent que la voix du chanteur belge ne s’est jamais tue au Maroc. RP : « Brel au Maroc », éditions La Croisée des Chemins, 2003, 147 pages, 65 DH.

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