Culture

Jean Genet vu par des Marocains

Suivre les pas d’un auteur ou d’un artiste, restituer ses lieux préférés, reconstituer sa géographie de prédilection est un genre qui a intéressé plus d’un photographe. Les écrivains voyageurs, Blaise Cendrars et Michel Leiris entre autres, ont inspiré à cet égard des photographes qui ont fixé le décor naturel de leur espace chez l’autre. « L’ultime parcours de Jean Genet » de Souad Guennoun participe de ce type de livre. Il présente cependant quelques traits distinctifs.
D’abord, Jean Genet avait en quelque sorte établi son espace au Maroc. Ce pays ne représentait pas pour lui un simple lieu de passage. Donc, parcours, certes, mais parcours à l’intérieur d’un espace élu. Ensuite, Souad Guennoun a accordé un intérêt très vif aux témoignages des personnes qui ont rencontré l’écrivain. Ce qui éloigne le livre, en dépit des nombreuses photographies de la tombe de Genet à Larache, d’un hommage nécrologique.
Les témoignages des hommes et des femmes rencontrés par Souad Guennoun font que ce livre n’est pas seulement intéressant par les photographies, mais aussi par le texte. Souad Guennoun n’a pas recueilli seulement les témoignages des amis célèbres de l’écrivain (Mohamed Choukri, Jacky Maglia, Anis Balafrej…), mais aussi de personnes travaillant dans des hôtels, des cireurs, des libraires, des laissés-pour-compte etc. Ces propos nous suggèrent d’une façon très fraîche la psychologie et les habitudes de l’écrivain. À cet égard, ce livre fera très probablement de certains endroits des lieux de culte.
On y apprend le nom des hôtels où Genet avait l’habitude de séjourner. On y découvre qu’il a écrit en grande partie «Le Captif amoureux » à la chambre 103 de l’hôtel d’Orsay à Rabat. Au demeurant, les témoignages des personnes interrogées par Souad Guennoun sont truffés d’anecdotes. Celles-ci nous éclairent sur la psychologie de l’écrivain, l’humanisent en quelque sorte ; puisqu’elles ne l’embaument pas dans un solennel « tel qu’en lui-même enfin l’éternité le change […] », mais le rendent tributaire comme toute autre personne des contingences de la vie courante. D’autre part, Souad Guennoun n’a pas tracé d’avance son parcours. Il y avait évidemment les lieux incontournables de Genet, mais les témoignages orientaient souvent la photographe vers d’autres endroits, l’invitaient à rencontrer d’autres personnes. De telle sorte que c’est à une aventure de rencontres hasardeuses que son livre ressemble. Au reste, Souad Guennoun a photographié les personnes qu’elle a rencontrées. Ses portraits sont généreux. Elle cherche à capter une lueur dans chaque personne.
Malheureusement, la qualité des reproductions ne permet pas toujours d’apprécier les contrastes et les flous des photographies en noir et blanc de Guennoun.
En plus, certaines photos sont reproduites en petits formats. Ce qui rend difficile une appréciation objective de leur qualité. De ce point de vue-là, le livre n’est pas exempt de tout reproche. Mais il n’en demeure pas moins que c’est un livre qui mérite d’être lu. La démarche de son auteur qui a aussi bien privilégié les propos des célébrités que ceux de petites gens en fait un document qui enrichira le champ des publications sur Genet.

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