Culture

Khatibi parle de son «Pen club»

© D.R

Aujourd’hui Le Maroc : Il y a deux ans, vous avez créé, avec une quarantaine d’écrivains marocains, une section nationale du «Pen Club International». Qu’est-ce qui a d’abord motivé cette initiative ?
Abdelkbir Khatibi : Créée en 1921, l’Association mondiale des écrivains «Pen Club International», dont le siège est basé à Londres, s’est fixé pour objectif de défendre la liberté d’expression des écrivains. Je précise que ce n’est pas un syndicat qui défend leurs intérêts matériels, mais leur liberté d’expression dans tous les domaines, selon certaines règles éthiques. Il y a d’ailleurs une charte qui définit clairement les droits et devoirs que les écrivains sont appelés à respecter, en évitant par exemple de faire de la délation et en tenant à être bien informés pour défendre une cause. On veut savoir ce que tel écrivain engage comme responsabilité dans la société où il vit. Convaincus de l’utilité de cette action, nous avons veillé pour notre part à y adhérer en créant le Centre marocain du «Pen Club International». Le colloque que nous avons organisé en juin dernier sous le thème «Les intellectuels, le pouvoir et la société» s’inscrit dans cette optique.

S’agissant justement des intellectuels, ne croyez-vous pas qu’ils ont failli à leur engagement vis-à-vis de la société d’aujourd’hui ?
Il y a plusieurs types d’intellectuels. Il y a les intellectuels classiques (chercheurs, universitaires, avocats, médecins, etc) qui veulent diffuser un certain savoir et en même temps initier la société aux problèmes qu’elle vit. Il y a aussi les intellectuels idéologues qui jouent un rôle d’orientateurs de l’opinion publique. Allal El Fassi qui fut un idéologue doctrinaire, offre ici un exemple éloquent. Et puis, il y a ce que l’on appelle «les intellectuels médiatiques» qui n’existent pas beaucoup au Maroc, ils essayent d’intervenir dans la politique, les débats de société, à travers les médias. En ce qui concerne votre question, je ne pense pas qu’il y ait une démission des intellectuels par rapport à leur mission. Personnellement, j’ai toujours assumé mes responsabilités vis-à-vis de ma société et de la conjoncture mondiale plus globalement. En témoignent mes livres, entre autres « L’Alternance et les partis politiques » paru il y a cinq ans, « Le Tryptique de Rabat » où il est question de la politique telle qu’elle est vécue au Maroc. Ce livre avait été discuté aussi bien par des écrivains que par des politiques comme Fathallah Oualalou. Bien avant, j’avais écrit un livre sur la Palestine dans lequel j’ai pris position contre le sionisme.

Croyez-vous qu’un intellectuel a la capacité d’influer sur le cours des événements ?
L’intellectuel n’est pas un décideur politique. Quand il devient un décideur politique, il change de bord. Il ne faut pas demander à un intellectuel de jouer le rôle du politicien. L’intellectuel oriente, donne des éclairages, et son rôle maintenant est de penser, selon la modernité, si la modernité veut dire invention du futur.

Que pensez-vous de l’attaque intégriste récente contre les festivals ?
Il y a des journaux qui, en attaquant des manifestations culturelles au nom de l’Islam, ont montré qu’ils ont une vision régressive et qu’ils sont contre la modernité. Pour moi, c’est totalement rétrograde. On n’a pas de leçons à recevoir de ce côté-là. Les festivals ont une fonction culturelle pour faire connaître notre patrimoine. Et si on s’attaque à notre patrimoine et à la manière de le valoriser, on affaiblit l’image de notre pays à l’étranger et pour les nouvelles générations marocaines qui ont besoin d’être initiées à un patrimoine vivant et créatif.

Pour vous, qu’est-ce qui expliquerait la désaffection chronique des Marocains à l’égard de la lecture ?
Il faut penser que la lecture est une éducation. Il faut éduquer les enfants et les adolescents à la lecture. Et quand, dans une famille ou dans l’environnement social plus globalement, cette tradition de la lecture n’est pas cultivée, comment voulez-vous qu’un enfant prenne le plaisir et l’habitude de la lecture. Il ne suffit pas d’aller à l’école, il faut un contexte social favorable. D’autre part, nous avons une culture très orale. Si à cela on devrait ajouter le développement de l’information et de l’Internet, le problème devient encore plus compliqué.

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