Culture

La chasse, une passion, des sens aiguisés, un investissement…

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Said Faraj est un passionné de la chasse. Cette passion s’affiche de père en fils sûrement et fidèlement. Le champion du Maroc de pigeons en 1982 n’est toutefois pas convaincu de l’évolution de cette activité aujourd’hui où les professionnels maîtrisant le fusil se mêlent à une nouvelle catégorie de personnes désireuses de se positionner à travers la chasse. «La chasse a perdu un peu de son sens le plus noble et cette activité devient dans l’esprit de certains une sorte de distinction», regrette Said qui a vu son père manier du fusil pendant des années. D’ailleurs, les cours de tir ne sont guère organisés et c’est généralement le père qui initie son fils au port d’arme…
Propriétaire du magasin «La chasse au Maroc», l’armurier a hérité de l’affaire familiale fondée en 1957. Le défunt père avait porté le flambeau de l’activité pour avoir été le premier armurier au Maroc. Vu le métier très particulier et pas forcément ouvert à tout le monde, l’octroi de l’agrément pour gérer une telle activité est  clairement réglementé.  «Une enquête est menée par les services du ministère de l’intérieur sur la personne qui demande l’agrément pour s’approvisionner en armes», explique, à juste titre, l’armurier.

Il existe au Maroc trois grossistes et des détaillants, à savoir les armuriers. Les fusils de chasse proviennent généralement soit de France, soit d’Espagne, soit de Russie.
Et pour aller dans le détail, ce sont les fusils à canon lisse qui sont autorisés à l’utilisation. Les armes à canon rayé sont, par contre, formellement proscrites par la loi réglementant l’achat d’armes destinées à la chasse.
Côté prix, l’éventail est très large car les passionnés de la chasse ne lésinent pas sur les moyens au même titre que la berline de luxe ou la villa haut standing. «La fourchette de prix est comprise entre 6.000 DH et 1 mdh», précise l’expert en chasse.  

Lors de la discussion, les allers et venues des clients interpellent le profane de l’activité proprement dite. L’armurier est vigilant pour ne pas commettre d’impair. Sa voix sera même sévère s’il s’agit de refuser à une  personne l’achat de munition sans le permis de port d’arme. Ceci ne plaira guère d’ailleurs à cette dame qui entrant au magasin demanda un paquet de cartouches pour le fusil de son mari. Celle-ci se sentit bien offusquée lorsque le propriétaire appliqua à la lettre la procédure en vigueur, à savoir pas de permis de port d’arme pas de vente de munitions. Malgré le discours insistant de la personne (très respectable d’ailleurs) qui voyait plus le côté fonctionnel de la chose car elle se trouvait à proximité du magasin, l’armurier resta de marbre.

C’est que la procédure prévoit en effet deux registres qui sont vérifiés par les services du ministère de l’intérieur régulièrement et sont à leur disposition. «Un armurier se doit de tenir deux registres. Le premier concerne les armes de chasse où sont mentionnées les références des différents permis de port de fusil et le second concerne les différentes inscriptions par rapport aux munitions».  

Un seuil à ne pas dépasser de 400 cartouches par port d’arme est également imposé.

La procédure est simple et claire pour Said Faraj. Pour lui là où le bât blesse ce sont les différentes revendications fiscales exigées par les autorités compétentes et qui ne sont pas forcément justifiées.
«Au Maroc, malheureusement la fédération ne fait rien pour nous faciliter les indications en tant que chasseurs. En clair, nous devons connaître le terrain pour y aller. Elle ne fournit plus des plans comme avant», regrette l’armurier.
Autre son de cloche chez les autorités compétentes. «La situation et la description des limites des territoires mis en réserve sont publiées sur le site web du Haut-Commissariat et celui de la Fédération royale marocaine de chasse», contrebalance le fonctionnaire, tout aussi passionné de chasse.
Les propos de Mohamed Saidi, chef de service de la chasse et de la cynégétique au Haut-Commissariat aux eaux et forêts ont (lire interview) porté un large éclairage.

Le fait est que la chasse est un domaine de prédilection de bien des personnalités. Et la vigilance est le mot d’ordre. A titre d’exemple, Hicham El Guerrouj, Badou Zaki et Mohamed Boussaid pratiquent cette activité, pour ne citer que ceux-là, sans distinction sociale ni intellectuelle. Entre eux, les chasseurs se connaissent et s’apprécient en silence car il s’agit d’une activité noble où le respect des uns et des autres est de mise.
La forêt de Benslimane attire bien des mordus de la chasse. D’autres cherchant davantage de connexion avec Dame Nature optent pour des endroits encore plus lointains.

C’est le cas d’un chasseur de renom préférant garder l’anonymat. «Je chasse dans plusieurs endroits selon le type de gibier. Les perdreaux se trouvent dans le Haut Atlas, la caille dans la région de Fqih Bensalah, la tourterelle à Taroudant, la bécassine à Sidi Allal Tazi et My Bousselham. Je pratique les deux types de chasse soit en amodiation, soit librement. Mais il est clair que la philosophie serait de pouvoir s’arrêter et pratiquer notre sport sans passer par des espaces privés. D’ailleurs, nombreuses sont les fois où j’ai été interpellé par un garde chasse pour me dire que l’endroit est privé. La loi est d’ailleurs ambiguë à ce niveau. Car ne pas s’attarder à stationner dans des endroits ne veut dans l’absolu rien dire»…

Tarik Berkia, banquier de métier et chasseur depuis son jeune âge, atteste que la chasse renvoie à des caractéristiques intrinsèques de l’Homme. «Le vrai chasseur aime la nature mais aussi les hommes de la campagne car il y passe le plus clair de son temps libre. Le développement de ses sens est réel car il est en phase avec la nature et guette le gibier régulièrement. Pour ma part, je chasse en amodiation le plus souvent car elle appartient à la famille puisque la chasse est une passion de père en fils. Notre amodiation privée se situe dans la région de Khémisset près du barrage Ouljet Sultan. L’association qui gère cette amodiation est connue sous le nom d’association marocaine de la chasse durable. Maintenant, les chasseurs professionnels sont aussi sollicités pour organiser des battues de destruction du sanglier compte tenu de sa prolifération constatée. Une stratégie a été élaborée dans ce sens par l’administration de tutelle».

Les avis divergent mais la passion demeure identique pour ceux qui sont tombés dans la pratique dès leur jeune âge. Certains ont le sens aiguisé du flair tant la passion pour la chasse est réelle, d’autres l’ont acquise au fur et à mesure par fréquentation ou par envie de se donner une distinction.
 Subjective et strictement personnelle, la question ne se pose guère.

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