Culture

La grotte des pigeons délivre ses secrets

© D.R

Les montagnes des Bani Znassen n’ont pas fini de surprendre par l’abondance de leurs trésors archéologiques. De renommée mondiale, leurs grottes sont connues et reconnues en tant que lieu privilégié pour des études préhistoriques. L’exemple de la grotte aux pigeons est prodigieux. Spéléologues et archéologues y trouvent leurs égéries : des hommes ont vécu dans cette région depuis des centaines de millénaires. Depuis le début des recherches qui ont fait découvrir au monde l’homme préhistorique de Tafoughalt vers les années cinquante du XXème, des restes humains abondants ont été découverts : au moins 195 individus et plus de 500.000 outils préhistoriques. Des restes de mouflons, bubales, zèbres, gazelles de cuvier complètent une liste de découvertes qui n’est pas encore à son paragraphe final. Dans le cadre d’un programme scientifique de recherches archéologiques, une équipe maroco-britannique, regroupant des chercheurs de l’Institut national des sciences de l’archéologie et du patrimoine (INSAP) relevant du ministère de la Culture et des chercheurs britanniques de l’Université d’Oxford (Angleterre), effectue annuellement des recherches archéologiques dans la grotte des pigeons à Tafoughalt. Les recherches réalisées par 24 scientifiques du 22 mars au 22 avril de cette année et qu’ALM a constatées sur place ont abouti à la découverte de sépultures de sept bébés de plus de 12 mille ans et de coquillages perforés datant de 100 mille ans. Les nourrissons étaient enterrés sous des blocs en calcaire de couleur bleue. Les corps ont été couverts d’ocre rouge qui, étant une matière minérale, est toujours visible sur les ossements. «Il est probable que ce type d’inhumation aide beaucoup à repérer les emplacements des sépultures des nourrissons dans la grotte. Ils étaient inhumés en position assise ou légèrement fléchie. Contrairement aux sépultures des adultes, celles des bébés n’étaient jamais perturbées pour faire place à d’autres enterrements, ceci serait la conséquence de la place très importante qu’occupaient les enfants dans la vie des Ibéromaurusiens, population du Paléolithique supérieur en Afrique du Nord, il y a plus de 12 mille ans», explique Abdeljalil Bouzouggar enseignant-chercheur à l’INSAP et directeur des fouilles archéologiques dans la grotte des pigeons. De son côté, Louise Humphrey, anthropologue au Natural History Museum à Londres a établi que «cette nécropole, la plus importante en Afrique du Nord, a révélé que les enfants ont été inhumés avec grand soin et que les corps des adultes ont été couverts par de l’ocre rouge et entourés de cornes de mouflons». Signalons également que des coquillages perforés ont été trouvés dans des niveaux du Paléolithique moyen datant de plus de 82 mille ans (d’après les données des dernières fouilles, la date est d’environ 100 mille ans). Résultat qui consolide leur qualification des plus anciens objets de parure au monde. «La grotte des pigeons à Tafoughalt n’a pas seulement livré les plus anciens objets de parure au monde, mais aussi la plus importante collection, dépassant ainsi le site de Blombos en Afrique du Sud qui a livré 41 objets datant par une seule méthode d’environ 75 mille ans», précise de son côté Ahmed Margaa, archéologue et conservateur du musée. Le Maroc est le seul pays au monde où ces objets ont été découverts dans différents sites archéologiques. Cependant, c’est à Tafoughalt qu’on les trouve enfouis à plusieurs niveaux. Leur chronologie s’étale sur plusieurs milliers d’années. En Afrique du Nord, un seul coquillage de ce type a été identifié en 1974 à l’Oued Djebbana (Algérie). Il date de 35 mille ans selon la méthode du radiocarbone. En revanche, à Tafoughalt pas moins de quatre méthodes de datations ont été réalisées dans différents laboratoires de renommée internationale. L’analyse chimique des colorants des coquillages a été réalisée par un personnel scientifique marocain hautement qualifié au Laboratoire des recherches d’analyses techniques et scientifiques de la gendarmerie royale à Témara (LARATES). À cet effet, un appareillage technique aux normes internationales a été utilisé pour l’expertise et la caractérisation chimique de l’ocre rouge. Toujours dans le même contexte et selon Nick Barton, professeur à l’Université d’Oxford et co-directeur de l’équipe, qui ajoute que «ces nouvelles découvertes sont très importantes car elles montrent que les humains ont pu découvrir ces objets symboliques dans différentes régions géographiques et que le comportement ‘moderne’ est beaucoup plus ancien qu’on l’imaginait». Et c’est ce que corrobore M. Bouzouggar qui précise que «le contexte archéologique et chronologique des découvertes de Tafoughalt suggère que cette tradition de fabrication et d’utilisation d’objets symboliques semble très ancrée dans le temps et n’est pas du tout une apparition éphémère puisqu’elle s’est maintenue pendant longtemps». Il est à rappeler que les recherches archéologiques dans la grotte des pigeons à Tafoughalt bénéficient de l’appui du Centre national de la recherche scientifique et technique (CNRST) au Maroc dans le cadre d’un projet PROTARS P32/09, de la collaboration avec l’Institut d’archéologie à l’Université d’Oxford, du Natural History Museum à Londres, du laboratoire des gîtes minéraux, de l’hydrogéologie et de l’environnement à la Faculté des sciences à Oujda, du musée archéologique de Mayence en Allemagne et de l’appui au niveau local de l’Association des amis de Tafoughalt. Par ailleurs, un travail en amont est réalisé par les chercheurs du laboratoire des gîtes minéraux, de l’hydrogéologie et de l’environnement à la Faculté des sciences d’Oujda pour reconstituer le cadre géologique et paléoenvironnemental des environs de la grotte. De son côté, Mostapha Mani, technicien des fouilles archéologiques à la Direction régionale de la culture à Meknès chargé de la mise en place des infrastructures techniques à l’intérieur de la grotte note que «le plus important c’est de veiller à la protection d’un tel site qui regorge d’un grand potentiel archéologique, scientifique et patrimonial de renommée internationale».

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