Culture

La Jeanne d’Arc ou l’histoire des décennies passées au large

© D.R

Sous le ciel bleuâtre du port de Casablanca a amarré gracieusement la Jeanne d’Arc. Ni les 768 escales effectuées et ni le un million sept cent soixante mille nautiques parcourus ont réussi à estomper son éclat. Beau, élancé et rayonnant, ce joyau des marées a caressé pendant 5 jours le quai casablancais. Après 12 escales au Maroc, la coque française a appareillé, lundi 7 décembre2009, avec son équipage, pour faire les adieux au territoire national et confier les souvenirs d’une quarantaine d’années passées au large. En effet, ce bâtiment militaire communément appelé «la Jeanne» s’apprête à effectuer sa 43éme opération à savoir la dernière de son histoire. Le navire passera le relais à un bâtiment de projection et de commandement plus moderne baptisé «Tonner». «Avec les contraintes budgétaires que nous avons, il est temps que la Jeanne se désarme car il n’est plus raisonnable de l’entretenir», confie à ALM Xavier Prache, commissaire en chef à bord de la Jeanne d’arc. Et de préciser que «l’école d’application des officiers de marines va se déplacer sur un bateau plus moderne qui va continuer les campagnes d’application dédiées aux élèves officiers de la marine». Ainsi la promotion 2009-2010 bénéficiera de la dernière campagne d’application à bord de ce navire, et ce pour une durée de 6 mois au tour du continent sud-américain. Il est question d’un stage final que les élèves-officiers de marines passent généralement en fin de leur formation. Or, le changement du département de surface, prévu en mai 2010, instaurera une nouveauté au niveau de la formation. Celle-ci interviendra une année avant la fin du cursus scolaire. «Les élèves repartiront après leur séjour à bord du Tonner dans des écoles de spécialité où ils seront formés dans des domaines très particuliers», a noté le commissaire Prache.
Instaurée depuis 1964, la formation dispensée à bord est relative à la transmission, la détection, l’artillerie, la lutte sous la mer, le pilotage de l’aviation navale, le commando marine, l’ingénierie mécanique et aéronautique navale. Par ailleurs, l’orientation des éléves-officiers se détermine en fonction des besoins en spécialité. Toutefois, le marin doit suivre l’agitation et l’imprévisibilité de la mer. Et comme a précisé le commissaire, la polyvalence et l’applicabilité en permanence sont de mise dans un parcours de marin.
A noter que la Jeanne d’Arc est un navire de 182 mètres de long sur une surface de 13.000m2. Ce bâtiment naval de 11 étages, dont 9 habités, comprend 6 missiles anti navire, 2 canons de 100mm, 4 mitrailleuses et 4 hélicoptères (2 Gazelle et 2 Allouette).
Outre les dortoirs, salles de formation et les passerelles de la centrale d’opération, le navire comprend également un hôpital ainsi qu’une piste d’atterrissage pour hélicoptères. Pour cette année, la Jeanne accueille à bord 600 marins dont 104 officiers-éléves pour leur première mission lointaine. Concernant son expérience à bord, Murielle Bazin, élève enseigne de vaisseau, nous révèle: «j’ai intégré l’armée marine tout en étant convaincue que ce choix me serait bénéfique sur le plan humain et personnel. En somme c’est un métier qui offre une palette de spécialité et d’avantages». Cette amatrice de voyage compte parmi un effectif féminin de 17 personnes qui ont choisi d’affronter la mer avec bravoure au même titre que les hommes. Quant à l’élève enseigne de vaisseau De Farcy, un jeune marin, «le passage sur la Jeanne est une étape enrichissante pour apprendre concrètement son futur métier». Si ces jeunes gens sont sur le point de répertorier leurs souvenirs à bord de la Jeanne, le commissaire Prache, qui effectue son cinquième passage, garde quelques émouvantes mémoires. «Mon épouse et mon bébé âgé à l’époque de 2 mois m’ont rejoint lors d’une escale en Italie. C’était un moment très fort pour moi d’autant plus que le Pape Jean Paul II a pu prendre mon enfant dans ces bras», se remémore le commissaire en chef. Certes, la vie de famille n’est pas facile à gérer pour les marins. De longues périodes de séparation les distancient de leurs proches. Le plus dur pour cet équipage est qu’il est amené à effectuer des missions militaires complexes. Les personnes interviewées à bord de ce navire soulignent que, malgré la distance, les liens familiaux perdurent. De même les moments des retrouvailles sont plus fort et n’appartiennent qu’aux marins. La virée du marin a été corrélée depuis bien longtemps à la correspondance par courrier. En dépit des avancées technologiques à bord de la Jeanne, en l’occurrence l’usage d’Internet, 4 tonnes de courriers et de colis postaux ont été échangées lors de la dernière mission.
Durant 45 ans de mise en service, les équipages qui se sont succédé sur la Jeanne d’Arc ont vécu de moments forts de sympathie, compassion et de défi. Le 27 mai 2010 marquera, hélas, la fin de ce parcours emblématique. La Jeanne sera malheureusement désarmée, cartographiée et démantelée. Certaines de ses pièces seront exposées en tant que patrimoine industriel à Brest et Rouan. Cependant, le nom de la Jeanne témoignera à jamais du courage et de la générosité de son équipage. Pour immortaliser cette enseigne, l’appellation de la «Jeanne d’Arc» s’étendra aux campagnes d’applications qu’abritera le Tonner, et ce en guise d’hommage et de reconnaissance à ce bateau historique de la défense française.

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