Culture

La leçon de la nouvelle figuration

© D.R

La majorité des artistes de renom au Maroc font de la peinture abstraite ou peignent le signe. Les grands noms fuient la figuration. Et quand ils s’y intéressent, ils le font avec prudence, comme s’ils craignaient de se compromettre en montrant des éléments du monde extérieur. Pour les peintres marocains qui ont marqué la jeune histoire des arts plastiques du pays, l’abstraction a été considérée comme une nécessité pour se distinguer des artistes dits naïfs ou rejoindre l’avant-garde. Or, l’avant-garde est une fonction du temps dont la nouveauté est l’expression essentielle. Et force est de constater que ceux qui peignent des tableaux abstraits font du sur-place depuis des années. Il ne s’agit pas de faire le procès de cette tendance, d’autant plus que les oeuvres de certains peintres non figuratifs sont porteuses de tension et capables de générer une grande émotion chez le spectateur, mais de s’étonner du peu de changement dans la peinture marocaine. Lorsqu’une exposition, dans une galerie marocaine, dispense au visiteur autre chose que des tableaux dans lesquels rien du monde extérieur ne lui est montré serait-ce avec des détours, elle le surprend par sa nouveauté ! Lorsque la réalité donnée à voir dans ces oeuvres est rafraîchissante, tonique, inhabituelle, la manifestation en devient un enchantement ! Deux peintres nous gratifient de cela à Casablanca. Le premier est un Marocain, né en 1975, qui vit et travaille en Hollande. Rachid Ben Ali fait de la peinture narrative au sens où une bande-dessinée ou des graffitis le sont. D’ailleurs ses tableaux tiennent de ces deux expressions. La légèreté du trait de son pinceau rappelle celle des dessins des BD, et la graphie des transcriptions renvoie aux tags et graffitis. Chacun de ses tableaux raconte une histoire où ses origines marocaines sont manifestes. Les personnages ont souvent les cheveux crépus, les lèvres lippues, comme pour accentuer la représentation que s’en font certains occidentaux. Rachid Ben Ali est volontiers subversif, taquin. Il n’essaie pas de corriger les préjugés, bien au contraire, il les souligne. Dans l’un des tableaux, on lit « In Antwerp they call us Makak », et justement, le personnage peint dans cette oeuvre présente des similitudes avec la physionomie d’un singe. Au lieu de s’indigner contre des propos racistes, le peintre les renvoie à ceux qui les tiennent par une image indécemment caricaturale. D’autre part, cet artiste n’est pas pudique, et la sexualité occupe une grande place dans sa peinture. Aux côtés de Rachid Ben Ali, un peintre chilien, qui vit en Belgique, montre des oeuvres, également figuratives. Manuel Escobar n’est pas moins subversif que le Marocain. Il expose une série de deux boxeurs. Il ne s’agit pas d’hommes, en tenue de sport, qui s’affrontent sur un ring, mais de personnages d’une taille gigantesque, coiffés d’un casque de soldat, et qui boxent dans la rue. Le peintre chilien ne fait aucun mystère sur l’identité des deux personnages. « Ce sont les représentants du fascisme qui sévit depuis de longues années en Amérique latine », dit-il. Le curieux, c’est que ces deux personnages portent des habits insolites. Dans un tableau, ils boxent avec des talons aiguilles, ce qui les rend comiques. « On ne peut représenter le fascisme que sous forme de caricature », précise le peintre. Quant au côté monumental des personnages, ils ont beau être peints sur de petits tableaux, l’échelle à laquelle ils sont représentés est la même que celle des immeubles. Plastiquement, les tableaux de Manuel Escobar rappellent le post-expressionnisme, mais sans s’y confondre. Son monde de représentation, de même que celui de Rachid Ben Ali, est vivifiant. Il montre que l’abstraction n’est pas l’unique issue possible à la peinture moderne. Cela est admis depuis de longues années ailleurs. Il est bon de nous le rappeler ici.

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