Culture

La passion de la transe

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Aïcha Abraq, plus connue des Chefchaounis par son surnom «Braqa», est un personnage. Son âge n’altère pas son dynamisme, son amabilité et son sens de l’humour. Issue d’une famille pieuse et modeste, Hajja Braqa a passé toute sa vie dans l’ancienne médina de Chefchaouen. La nature idyllique qui l’entourait de tous les côtés lui a offert une source d’inspiration.
Aïcha Abraq s’est mariée à l’âge de 13 ans et elle a eu 10 enfants «J’étais une mère et une épouse comblée. Mon défunt mari était très généreux et tenait à couvrir tous nos besoins. Après avoir accompli mes tâches ménagères, je trouvais le temps pour me réunir, les fins d’après-midi, avec mes voisines pour répéter des chants à la gloire de Dieu et de son Prophète», se rappelle-t-elle.
La jeune Aïcha a intégré la célèbre troupe féminine de Hadra dirigée par lalla Rama Zoukaria à la fin des années 40. «J’avais à l’époque 24 ans et j’avais appris presque tous les anciens répertoires de la Hadra. Les chants religieux qui invoquaient les saints hommes que furent  Moulay Abdelkader Jillali, Moulay Abdessalem El Mashishi,  Sidi Allal El Hajj, Chrifa Lalla Hiba Bakalia, Moulay Bouchtta Al Khamar… Tous les Chefchaounis faisaient appel à nous pour célébrer les cérémonies de mariage, de baptême, de circoncision…», précise-t-elle avant d’ajouter que «nous étions invitées par les Chefchaounis et dans les autres villes et régions pour animer les soirées de la Hadra. Nous étions même invitées à réciter le Dikr pendant la troisième soirée qui suivait les cérémonies d’enterrement. Les femmes aiment réciter avec nous les chants religieux. Beaucoup d’entre elles se mettent à danser, entrent brusquement dans un état de transe et perdent conscience.
Les chants religieux font pleurer les haddarates parce qu’ils invoquent l’amour de Dieu. La Hadra est utilisée dans certains cas comme une thérapie pour délivrer les gens du démon qui les possède». Hajja Braqa a passé plus de 50 ans de sa vie à animer les «Lilas» (soirées) de la Hadra qui commencent généralement après la prière d’Al Asr et prennent fin après-minuit. Elle anime chaque année, et ce depuis plus de 45 ans, la Lila du Mouloud à Dar Sidi Ali Raïssouni. Elle a créé, en 1970, son propre groupe féminin de la Hadra chefchaounia. Elle sait jouer pratiquement de tous les instruments de musique utilisés durant les soirées de la Hadra; à savoir le bendir, la derbouka, la taârija et le tambour.  Malgré les années qui passent, Hajja Braqa est toujours aussi dynamique et passionnée de  Hadra. Vêtue de blanc, elle ne cesse de réciter les prières et d’invoquer les saints. Tous les Chefchaounis la connaissent et l’apprécient puisqu’elle est considérée comme l’une des rares personnes à avoir défendu le patrimoine de la Hadra à Chefchaouen.  A 80 ans, elle se dit très fatiguée d’animer les soirées de la Hadra. Elle compte bientôt quitter définitivement la direction de sa troupe. «Bien que je sois âgée, beaucoup de gens m’invitent à participer à des soirées de la Hadra. Je m’estime fière d’être aussi aimée par les habitants de Chefchaouen», nous confie-t-elle.  Parce qu’elle incarne une partie importante du patrimoine de la ville, Hajja Braqa reste la vedette de tous les événements culturels de Chefchaouen. Lors du premier Festival de cette localité, un hommage mérité lui a été rendu.

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