Culture

La traduction en question

La traduction dans le bassin méditerranéen s’est développée avec l’expansion des Arabes. La traduction était synonyme d’essor d’une civilisation, d’ouverture sur l’autre, de curiosité qui absorbe le meilleur chez l’autre. Elle a permis au monde entier de prendre connaissance des oeuvres des Grecs et des Persans.
Les califes Oumayades et Abbassides ont lancé une politique de traduction visant à recueillir le patrimoine culturel étranger – tout particulièrement grec et persan. Aristote est parvenu en Europe par le biais des traducteurs arabes. Certains oublient volontairement de rappeler qu’une très bonne partie de la philosophie grecque dont se réclame l’Occident leur est venue par le truchement de livres traduits en arabe.
La traduction est ainsi indéfectiblement liée à l’essor des civilisations dans le bassin méditerranéen. Le défaut de traduction est probablement un indice de leur déclin. On ne peut dans ce sens que se féliciter de l’organisation d’un colloque qui attire l’attention sur l’une des questions fondamentales de toute civilisation. Plusieurs traducteurs, écrivains et intellectuels aussi bien marocains qu’étrangers participent à ce colloque. Parmi les participants, on dénombre les noms de Abdellah Laroui, Abdelfattah Kilito, Marie Redonnet, Abdeljalil Nadem, Ahmed Chahlane ou Hassan Bahraoui. L’intervention de Kilito est intitulée «Atarjama oua Irtirab» qu’on peut traduire approximativement par «Traduction et exil». Kilito nous a confié que le mot «irtirab» est ambigu. Il recouvre plusieurs sens. Il renvoie au passage à l’Occident, au coucher du soleil. Il renvoie également aux «Mille et une nuits», un livre passé en Occident grâce à des traducteurs comme Antoine Galland». Il est vrai que ce livre est à l’origine de la vogue de l’orientalisme en Occident, et c’est à la traduction qu’il doit cette fortune.
Au demeurant, Kilito insiste sur le devenir d’un texte quand il est traduit. «La traduction est parfois supérieure au texte original. En le trahissant, elle lui donne un supplément de sens» dit-il. La traduction d’une oeuvre littéraire ne se réduit donc pas au simple passage d’un texte d’une langue dans une autre. Bien plus souvent, l’oeuvre à traduire réapparaît dans une nouvelle jeunesse dans la mesure où les paramètres culturels, mais aussi l’individualité du traducteur, vont d’une certaine façon la réécrire. En passant d’une langue à une autre, on perdrait plus à se vouloir trop strict, qu’en s’octroyant les licences grâce auxquelles on réinvente le texte tout en lui gardant sa teneur originale. Il existe autant de versions de «La Divine comédie» de Dante que de traductions de ce livre. Ces aspects esthétiques de la traduction ne doivent pas faire oublier la dure réalité du métier du traducteur dans notre pays. Le métier est peu valorisé au Maroc.
Le traducteur est considéré comme un subalterne de l’écrivain. Il est chichement payé. En plus, il faut bien le reconnaître, le clientélisme fait rage dans ce domaine. Hélas, ce n’est pas toujours aux meilleurs que les traductions de livres sont confiées. La question relative aux droits des brevets freine le développement de la traduction.

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