Culture

L’archéologue Bouzouggar récidive

© D.R

Il court après les preuves de sa théorie décapante. Il n’a même pas savouré le crâne parfaitement conservé, découvert dans la grotte Hattab à Tétouan, qu’il s’est déjà lancé sur une autre piste. L’archéologue Abdeljalil Bouzouggar a jeté cette fois-ci son dévolu sur un site, considéré comme un classique de la littérature préhistorique. La grotte des Pigeons à Taforalt (dans l’Oriental) est citée dans toutes les universités du monde où l’on enseigne la Préhistoire. Et pour cause, le préhistorien français Jean Roche y a découvert, pendant les années cinquante, un crâne trépané qui témoigne de la première opération chirurgicale au monde. Il ne faut pas sourire, car la communauté des Préhistoriens est très sérieuse. L’homme dont le crâne a été troué pour des fins thérapeutiques vivait il y a 11 000 ans. La radiographie moderne a révélé que sa blessure s’était parfaitement cicatrisée. C’est le plus ancien indice d’une intervention chirurgicale réussie ! Abdeljalil Bouzouggar admet l’importance du crâne qui a fondé la réputation de la grotte des Piegons dans le monde, mais il est préoccupé par un autre sujet, sans perdre de vue l’objetif de la mission qu’il dirige. L’équipe d’archéologues de l’Institut National des Sciences de l’Archéologie et du Patrimoine (INSAP) entreprend des fouilles à la grotte des Pigeons, en vue de préciser la chronologie des premières activités humaines dans le Nord du Maroc. L’équipe française qui a réalisé les fouilles pendant les années 50 possédait un outil de datation unique : le C14, dit radio carbone. Cette méthode ne permettait pas de remonter à des dates antérieures à 40 000 ans. L’équipe qu’il dirige utilise des précédés de datation qui n’existaient pas en 1950. Elle a recours à la radio carbone par accélérateur, à la thermoluminescence et OSL. Des procédés que seuls les plus initiés peuvent décrypter ! Ces différentes méthodes de datations radiométriques donnent accès à des périodes très anciennes. A cet égard, la grotte des Pigeons peut révéler des traces d’occupations humaines antérieures à 40 000 ans. C’est sans doute l’objectif non encore avoué de la mission marocaine. Quant au sujet qui préoccupe Abdeljalil Bouzouggar, il concerne sa thèse relative aux mouvements de populations préhistoriques, en partance du Maroc, qui ont conquis le Sud de la Péninsule ibérique. Jusque-là, l’archéologue avait situé la tranche de ses recherches entre 18 000 et 25 000 ans. L’Afrique du Nord aurait subi en ce temps-là une grande sécheresse. Abdeljalil Bouzouggar avance que l’aridité du climat a occasionné la raréfaction du gibier et la restriction de l’espace vital des populations de cette région. Elles ont traversé le Détroit à la recherche de terres fertiles et de gibiers. Leur déplacement a été facilité par un abaissement de près de 120 mètres du niveau marin. Cette régression a révélé les crêtes de plusieurs îlots qui demeuraient submergés jusque-là. Ils ont constitué des aires de repos aux populations préhistoriques. Bouzouggar est réconforté dans sa thèse par des « preuves scientifiques ». Les découvertes de préhistoriens espagnols à Gibraltar, à Grenade et dans la carotte marine MD95-2043 de la mer Alboran, « ouvrent de grandes perspectives sur le renforcement de la théorie de l’influence africaine via le Maroc sur les populations européennes au cours de la Préhistoire », dit l’intéressé. Il effectue aujourd’hui des fouilles dans un site qui n’a pas encore révélé tous ses secrets. Les nouvelles datations qu’on attend de la grotte des Pigeons risquent aussi d’en modifier d’autres : celles relatives à la thèse de l’archéologue marocain. Et si les populations préhistoriques avaient traversé le Détroit de Gibraltar bien avant les 25 000 ans jusque-là largement admises ?

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