Culture

L’art ne s’enrichit qu’à travers les écoles

© D.R

ALM : Quelle est la particularité de votre exposition à la Galerie Bab Rouah ?
Mohamed Chabâa : La particularité de cette exposition est qu’il s’agit de la première fois où j’introduis, en quantité, des travaux de sculpture. Plusieurs pièces en métal viennent s’ajouter à quelques autres, que j’avais déjà exposées dans les années 1970-80. Mohamed Chabâa est plus connu en tant que peintre et coloriste. Mais il est peu connu en tant que sculpteur. Et c’est cette facette que je voulais présenter dans cette exposition. A côté de la sculpture, je voulais également marquer mon retour à la gestuelle, que j’avais entamé du temps où j’étais étudiant à Rome, mais que j’avais abandonnée, par la suite pour la reprendre depuis les années 1990 à aujourd’hui. Mon exposition est, dans ce sens, une rétrospective de cette expression picturale, caractérisée par son grand format, à travers de grands panneaux. Une manière de dire mon attachement à l’intégration murale.
Plus que peintre et sculpteur, Chabâa est également connu en tant que calligraphe, designer et décorateur. Quel est donc votre secret ?
C’est quelque chose que je n’arrive pas à m’expliquer moi-même. Je dirais que c’est le hasard qui m’a mené vers toutes ces disciplines. J’ai eu la chance de faire du design aux débuts de l’Indépendance, où j’ai travaillé en tant que dessinateur-calqueur au ministère de la Jeunesse et des Sports. Après, quant je poursuivais mes études à l’Ecole des Beaux Arts de Tétouan, j’ai pris contact avec les notions de la spacialité, et partant avec l’architecture. Au point que j’étais qualifié dans les années 1960-70 d’allié des architectes. Mon contact avec les arts graphiques s’est également fait au gré des expériences et de rencontres, notamment avec les artisans. Ceci, en travaillant sur des objets utilitaires liés à la parure, à « l’artisanat »-je n’aime pas ce mot- et à l’architecture. Mon moteur dans cette recherche a été d’appliquer l’art à la vie, tout comme d’autres ont appliqué l’art à l’industrie. Une recherche des moyens d’allier les arts traditionnels à l’architecture qui a fait ses preuves. Il n’y a qu’à voir ce véritable musée des arts traditionnels marocain qu’est la Mosquée Hassan II pour en saisir toute l’importance.
Vous êtes aussi pédagogue. Que vous a apporté cette autre activité ?
Ce qui m’a toujours accroché à l’enseignement, c’est l’échange qui s’est toujours établi entre mes étudiants et moi. Un échange et une interactivité tant sur le plan des idées que sur celui du travail. Sans dicter ce que les étudiants doivent faire ou ne pas faire, je me suis toujours contenté de les orienter. Leurs travaux étaient donc autant de leçons, pour moi d’abord.
Quel état des lieux dressez-vous des arts plastiques au Maroc
Nous assistons actuellement à une sorte de contraste entre un riche patrimoine d’idées fortes et une fuite en avant des jeunes artistes, dont le travail est marqué par la facilité. Il existe une très bonne assise pour le développement des arts plastiques au Maroc. Le travail fait par les précurseurs des arts plastiques au Maroc avait pour chantier de préparer le terrain aux générations qui allaient suivre. De véritables stratégies avaient émergé. Elles étaient accompagnées d’un travail sur le terrain qui avait pour objectif de rapprocher l’art et les gens, notamment par des sorties dans les espaces publics, les classes d’écoles et même les hôpitaux. Un effort de décolonisation de la culture marocaine, accompli au détriment de la carrière de ces artistes-peintres, était mené. Malheureusement, les générations qui ont suivi n’ont pas pris le relais. La rupture a été telle que ce sont les services culturels de pays étrangers qui présentent maintenant les artistes marocains. Les jeunes, quant à eux, ont opté pour des choix de facilité, notamment à travers des installations, et se retrouvent maintenant confinés dans ces expressions, sans mener un véritable travail de recherche à même de constituer un cumul d’expériences qui soient innovantes, riches. C’est ce qui fait qu’il n’y a pas beaucoup de grandes expositions, encore moins des expositions collectives. L’action socio-culturelle a été sacrifiée sur l’autel de la facilité.
Et le rôle de l’Etat dans cela ?
C’est notre faute. Nos institutions, l’Etat, laissent la place libre aux étrangers qui définissent maintenant les tendances des arts plastiques au Maroc et décident de ce qui est bon et de ce qui ne l’est pas. L’art ne peut s’enrichir qu’à travers les écoles et les ateliers, animés par des artistes compétents, et par la création d’espaces d’expression aux jeunes talents.

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