Culture

Le gigantisme de Rita El Khayat

© D.R

Je veux négocier le transport de ma maison. J’y tiens avec tous les objets qu’elle contient. Je ne le fais pas par peur d’énumérer des objets intimes, mais pour ne pas être dans la contrainte d’emporter un drap, une brosse à dents ou du papier. Je veux être libre de réfléchir au choix d’objets étrangers à ma coquille. Par quel moyen transporter ma maison? Je ferai appel à un génie qui la portera sur la paume de sa main. En un clin d’oeil, il la posera sur une vallée à partir de laquelle j’aurai une vue magnifique sur toute l’île. Ce n’est pas l’unique demeure que je demanderai au génie de transporter. Je veux de temps en temps sortir de ma maison pour retrouver le décor de mon enfance. Deux maisons familiales me tiennent à coeur. Elles se trouvent dans la médina de Rabat, et je déplore chaque jour l’état de délabrement dans lequel elles se trouvent. Sur cette île, j’aurai tout le temps pour les restaurer, leur redonner leur apparence de jadis. J’emporterai aussi un drapeau marocain que je planterai sur le toit de ma maison. Les grands aventuriers qui ont découvert les espaces polaires ont bien dressé le drapeau de leur pays sur la neige, les premiers hommes qui ont marché sur la lune aussi. Je ne vois pas pourquoi je n’aurai pas à proclamer ma marocanité aux bateaux qui longent mon île. En plus du drapeau, mon génie n’aura aucun mal à faire un petit espace dans sa paume à un grand bloc d’améthyste. Je le poserai à l’entrée de ma maison, et je veux qu’il soit extrait de la région d’Ouarzazate. Là où l’éclat du violet de l’améthyste n’a pas son pareil. Le génie sera également sollicité pour acheminer le zoo de Aïn Sbaâ jusqu’à mon île. Oui, je compte libérer les pauvres bêtes qui y souffrent, soigner celles qui sont malades, nourrir correctement celles qui n’ont que la peau sur les os. Le génie ne pourra pas se reposer après son voyage avec le zoo. Parce qu’il est le seul capable de porter l’un des jardins publics de Casa. Leur état me fait de la peine. Je veillerai à ce que les plantes s’épanouissent, les roses fleurissent, sans être agressées par la pollution, le bruit des klaxons et les semelles insouciantes des passants. Je planterai également un grand arbre sur mon île. Si l’on me demande de désigner l’objet de plus emblématique du Maroc, je choisirai sans hésitation le zellige ou le cèdre de l’Atlas. Je prendrai un cèdre qui n’est pas trop vieux, afin qu’il puisse vivre très longtemps. J’espère que le vent emportera sur les îles avoisinantes ses bourgeons. Le cèdre de l’Atlas sera ainsi magnifiquement dressé sous des climats tropicaux. Il me faut aussi une fleur typiquement marocaine. Je n’en vois pas de meilleure que le laurier rose. Cet arbuste, très résistant, pousse partout : sur le bord des routes, les jardins des maisons, les régions arides. La petite maison où gît ma fille sera déposée à l’ombre de cet arbuste.

Articles similaires

Culture

Dans le cadre de la Journée Internationale du livre : L’IC organise la Semana Cervantina 2024

L’Institut Cervantès de Casablanca célèbre la Semana Cervantina 2024 avec différentes activités...

Culture

Ouverte au public du 18 avril au 6 mai 2024: La Fondation BMCI et la galerie 38 lancent «Vogue»

La BMCI, à travers sa Fondation et en partenariat avec la Galerie...

Culture

«Moroccan badass girl» de Hicham Lasri à l’assaut des salles nationales

Il évoque la pauvreté, le chômage et le désespoir de la jeunesse

Culture

«Disciples Escoffier Maroc» : Un rendez-vous gastronomique à Rabat

Organisé autour de la transmission à travers les femmes

EDITO

Couverture

Nos supplément spéciaux