Culture

Le marché de l’art, entre mirage et réalité

© D.R

Des artistes-peintres de grande qualité, le Maroc en en dispose bel et bien. Et depuis longtemps. Mais leurs oeuvres, sont-elles vendues pour autant? Répondre à cette question suppose, d’abord, la nécessité d’en poser une autre qui concernerait le marché de l’art et son organisation au Maroc. Le constat est que cette belle entreprise n’existe toujours pas dans notre pays.
Mieux encore, on est à quelques décennies, voire quelques siècles, de cet Occident où, au XIXe siècle déjà, les marchands de l’art étaient des fins connaisseurs de l’Histoire de l’art, même si le flair et la perception personnelle étaient les seules règles à respecter. Ils achetaient des oeuvres et les exposaient périodiquement, établissaient des contrats avec des artistes et leur versaient un salaire mensuel, que leurs oeuvres soient vendues ou non. C’est ce qu’on appelait une anticipation de salaire. Et c’est le marchand qui prenait tous les risques. Un système qui s’est développé depuis, et de la manière la plus large, notamment aux Etats-Unis et en France, dès 1900. De marchands d’art, certains sont devenus des galeristes, avec des adresses connues et reconnues. Au point qu’ils recrutaient des critiques d’art pour lancer leurs artistes et en faire des valeurs sûres. C’est grâce à ces différentes évolutions, marquées dans chaque étape par un haut degré de rigueur, de conn- aissances et de professionnalisme que les recettes sont devenues intéressantes, avec l’évolution que l’on connaît du marché de l’art. Au Maroc, on en est encore loin de tout ce dispositif. Le profil même du marchand de l’art a toujours du mal à être dessiné. Faute de professionnels connaisseurs.
« Ici, les choses obéissent toujours à la sacro-sainte règle sur bricolage. Le flair artistique devient copinage. L’art est réduit à ses aspects naïfs ou figuratifs. Des fois, on s’appuie sur des jeunes pour acheter moins cher et vendre en s’assurant une bonne marge », déclare un fin connaisseur des arts plastiques au Maroc. Seules quelques galeries échappaient à cette règle. Parmi elles, l’ex-galerie L’Atelier à Rabat, créée pendant les années 70 par Pauline De Mazières, et qui avait une certaine renommée et contribuait à animer le marché de l’art. Malgré son succès, la galerie finit par fermer et disparaître. Depuis, les choses ne se sont guère améliorées. Au Maroc, on fonctionne sur la naïveté et le hasard qui caractérisent les autodidactes. On fonctionne simplement avec des rafistolages. Le tout, avec une orientation vers les peintures orientalistes. Une tendance qu’explique Mohamed Chabaâ, artiste-peintre, par un simple souci de faire joli. « Les gens achètent des orientalistes car ils trouvent que c’est flatteur, c’est exotique, ceux qui n’ont pas de culture achètent ce genre de tableaux», nous dit-il. Pour l’artiste-peintre Mohamed Melehi « il y a un début de marché, car aujourd’hui les oeuvres ne s’achètent pas uniquement dans les galeries et à travers les expositions, mais aussi à travers des ventes aux enchères ». Mais, il ne reste pas moins que ce marché de l’art reste anarchique, en dépit de ces prémices de fondations, notamment celles qui s’apparentent aux grandes banques et entreprises du pays et qui se sont données pour missions d’acquérir des oeuvres d’art. Pour Melehi, le fait qu’il n’y est pas de cotation d’oeuvre pose un autre problème. Chaque artiste est obligé d’octroyer lui-même un prix à ses tableaux. Alors que pour qu’il y ait un véritable marché de l’art au Maroc, il faudrait qu’il y ait une cotation pour les oeuvres. Les prix de vente sont souvent exagérés, généralement supérieurs à la valeur réelle de l’oeuvre. « Ce sont les galeries et les collectionneurs qui déterminent le prix des oeuvres. Mais au Maroc, ces derniers ne sont pas organisés. En attendant, le circuit du marché de l’art est encore flou ». Un circuit qui est constitué en gros des galeries, des antiquaires, de la Compagnie marocaine pour les oeuvres d’art (CMOA) et aussi des collections privées d’artistes-peintres. Ces circuits fonctionnent de manière isolée et il n’existe pas de cadre institutionnel qui réglemente ce secteur.
On l’aura compris, il faudrait attendre des dizaines d’années pour structurer ce secteur en marché de l’art et aussi pour que l’Etat assume sa responsabilité. Cette structure devrait donner plus d’importance à la culture et permettre de donner aux jeunes la chance d’aller effectuer des stages à l’étranger pour se former.
Car, et comme le précise M. Chabaâ, c’est l’accumulation des connaissances artistiques et l’antagonisme des tendances qui contribuent à enrichir le marché de l’art. Il faut multiplier les écoles d’art, les ateliers dans les régions, créer une chaire d’Histoire de l’art et surtout accumuler les expériences et les valeurs. Et l’on verra, peut-être un jour, des galeries rivaliser pour vendre, à prix d’or, telle ou telle oeuvre.

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