Culture

Le Maroc, eldorado des entraîneurs étrangers

© D.R

Lorsqu’un club comme le Real Madrid, l’As Rome ou encore Chelsea fait appel à un nouvel entraîneur, ses dirigeants organisent une rencontre avec les médias pour présenter les grandes lignes du contrat de recrutement : la durée, le salaire, les objectifs fixés, bref tout ! Mais lorsque l’un des grands clubs marocains comme le Raja, le Wydad ou encore les FAR recrute un coach étranger, souvent c’est le black-out. Rien ne filtre ou presque. Parfois, nos dirigeants du foot ne communiquent que la durée du contrat qui lie leur club avec tel ou tel entraîneur.
Interrogé par certains journalistes sur le salaire de Jean-Yves Chay, fraîchement nommé  entraîneur des «Verts», Abdellah Rhallam, président du comité provisoire du Raja de Casablanca, n’a pas voulu donner de réponse. «Comme vous le savez, on ne donne pas ce genre de détail. Demandez plutôt à l’entraîneur. Il est le premier concerné. S’il veut vous communiquer son salaire, nous n’y voyons aucun inconvénient», a dit l’ancien-nouveau président du club rajaoui. Généralement, aucun club marocain n’organise une conférence de presse au lendemain d’un recrutement pareil pour éviter, peut-être, les questions qui fâchent. Ce genre de contrat est souvent classé «secret-défense». Une sorte de tradition que les responsables de ce sport ne sont pas prêts à abandonner.
Au Maroc, les entraîneurs étrangers ont la cote. Quand un club n’a plus de coach, c’est en Europe ou en Amérique latine où ses dirigeants en dégotent un. Dans la majorité des cas, les entraîneurs nationaux ne sont nommés que provisoirement. Ils assurent l’intérim, le temps de trouver un «vrai sélectionneur», dont le salaire dépasse les 100.000 dirhams par mois.
C’est le cas, d’ailleurs, du nouvel entraîneur du Raja de Casablanca. Selon des sources proches, le technicien français, Jean-Yves Chay, devrait toucher une mensualité de 120.000 dirhams tout comme son prédécesseur le Portugais Paco Fortes.
L’Argentin, Oscar Fullone, lui, été payé à 100.000 dirhams le mois. Suite à une série de mauvais résultats qui prédisaient une saison désastreuse pour le Raja, il a été remercié. Mais cela ne l’a pas empêché de négocier son départ. Oscar Fullone, sorti par la petite porte, a emporté avec lui trois mois de salaire. Et c’est ensuite que le club casablancais a fait appel à Paco Fortes qui n’a pas fait long feu. Limogé, il  quitte le club avec deux mois de salaire.
Le Wydad de Casablanca avait, lui aussi, recruté un coach portugais, José Romão. Tout comme ses confrères, cet entraîneur touchait un salaire de 120.000 dirhams par mois. Malgré les privilèges dont il bénéficiait, José Romão a quitté le WAC au milieu de saison sans préavis pour s’envoler vers le Qatar. Les membres du comité du Wydad, dirigé alors par Tayeb Fechtali, ont vite comblé le vide pour ne pas «perturber la stabilité de l’équipe», disaient-ils. Et pour cela, ils ont sollicité les services d’un vieil ami, Ladislas Lozano, qui avait dans le passé provoqué une grande polémique en traitant le football marocain de «milieu pourri».
En plus du salaire mensuel exorbitant, les entraîneurs venus d’autres cieux bénéficient de plusieurs avantages : voiture de service, appartement luxueux, billets d’avion…, le tout au frais de la princesse. Sans parler des primes qui tombent, quoi qu’il arrive. «Parfois, un sélectionneur étranger coûte plus cher qu’une équipe entière avec ses joueurs et son staff technique», ironise un dirigeant du Wydad. «Lorsqu’il s’agit de prime, par exemple, un coach peut toucher jusqu’à 600.000 dirhams. Les joueurs quant à eux, ne perçoivent qu’une petite somme ne dépassant pas les 50.000 dirhams», dit-il.
Un entraîneur étranger qui vient au Maroc a tout à gagner. En cas de bons résultats, il est récompensé par des «super primes». Dans le cas contraire, c’est le «divorce à l’amiable», accompagné d’un dédommagement, stipulé noir sur blanc dans le contrat dont certaines clauses ne sont jamais divulguées au public. C’est dû au processus de recrutement. En effet, lors des négociations, les entraîneurs étrangers sont toujours en position de force. Leurs managers finissent dans la plupart du temps par imposer leurs conditions. «Les entraîneurs étrangers profitent de l’anarchie. Certains d’entre eux arrivent avec des contrats préétablis. Et les dirigeants n’ont d’autre choix que de signer. On doit en finir avec cette pratique», s’indigne Khalid Ibrahimi, l’ancien vice-président du Raja. «Il faut que notre fédération établisse un contrat type pour réglementer ce genre de transfert», propose-t-il.
Contrairement aux entraîneurs nationaux, les « techniciens étrangers» sont traités de façon royale. Ils sont tellement «gâtés» qu’ils peuvent tout se permettre. Lors d’une concentration de l’équipe du Raja de Casablanca à Ifrane, Oscar Fullone, n’ayant pas supporté le climat froid de cette ville, est resté dans sa chambre d’hôtel. Seul son adjoint supervisait les séances d’entraînement !
L’engouement des dirigeants de clubs marocains pour les sélectionneurs étrangers reste un mystère. Pourtant, le Royaume regorge d’entraîneurs talentueux. La saison écroulée en est l’exemple vivant. Mustapha Madih a conduit l’Olympique de Khouribga vers son premier titre, Abderrazak Khayri, lui, a propulsé le Fath Union Sport en première division et Badou Zaki a permis à l’équipe du Kawkab de Marrakech de retrouver son agressivité. Et paradoxalement, les équipes dirigées par des «experts étrangers» vivaient cette année une véritable agonie. Même les dirigeants de la Fédération royale marocaine de football (FRMF) préfèrent recourir à des coachs internationaux. Mais après le limogeage de Badou Zaki suivi du «parachute doré» de Philippe Troussier, la fédération a préféré recruter un sélectionneur national marocain pour calmer les esprits. La rupture du contrat avec Troussier avait coûté à la FRMF une somme qui avoisine les huit millions de dirhams!

Entraîneur étranger signifie plein pouvoir
De manière générale, les entraîneurs étrangers recrutés par les clubs marocains se voient octroyer des pleins pouvoirs. Leurs décisions sont indiscutables. «C’est dans notre culture. Dans notre esprit, on n’est convaincu par l’idée qu’un entraîneur étranger connaît son travail. Peu importe la décision qu’il prend, il ne faut jamais le contredire», témoigne un ancien dirigeant du Raja.
Une fois, un entraîneur avait même exigé le déplacement des vestiaires pour des raisons qui demeurent inconnues.
«Lorsqu’un entraîneur demande telle ou telle chose, les gens exécutent, sans poser de questions», renchérit un adhérent du WAC. Il s’agit là d’un des privilèges dont bénéficient les experts étrangers. Un entraîneur national ne peut se permettre ce genre de chose. Pis encore, les adhérents de club ne se gênent pas pour critiquer ouvertement ses choix stratégiques. L’ancien coach des « Rouges », Ladislas Lozano a laissé sur le banc de touche, Hakim Ajraoui, l’un des meilleurs attaquants wydadis sans avoir à justifier cette décision.
La mise en écart de ce joueur a passé presque inaperçue. Pourtant, après le départ de Lozano, ce même Ajraoui a pu inscrire deux buts en un seul match (quart de finale de la Coup du Trône face au DHJ). «Si cette décision avait été prise par un entraîneur national, il risquait d’être "crucifié" par les dirigeants du club», commente un ancien membre du comité du club.

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