Culture

Leftah : «L’écriture est un exil»

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ALM : Que pensez-vous de l’initiative de réunir, à Rabat, les écrivains de la diaspora marocaine?
Mohamed Leftah : Cette initiative est extrêmement enrichissante. Elle a le mérite d’avoir réuni pour la première fois différents écrivains de l’immigration. Du point de vue humain, nous avons non seulement pu échanger nos points de vue mais aussi nouer des contacts fructueux les uns avec les autres. Je suis d’autant plus heureux que ce genre de rencontres sera officialisé, comme l’a annoncé le président de l’Union des écrivains du Maroc, Abdelhamid Aqqar.

Comment situez-vous «l’écriture de l’exil» par rapport à la littérature «nationale» ?
La notion de «littérature nationale» devient problématique. Le cas est particulièrement net aux Etats-Unis, pays d’émigration par excellence où a émergé, dans les années 1970, le concept de «littérature multiculturelle». La «valeur ajoutée» par l’œuvre des écrivains de l’exil a amené à repenser le canon qui y était jusqu’alors dominant et à problématiser la notion même de littérature nationale. Le même cas s’applique à la France. Milan Kundera, Ionesco, pour ne citer que ces deux écrivains qui ont choisi d’écrire dans la langue du pays d’accueil, offrent ici un exemple éloquent.

Vous considérez-vous comme un «écrivain de l’exil» ?
La notion d’exil suppose que l’on ait été contraint au départ. Ce n’est pas le cas pour moi. J’ai choisi de vivre en «exil» dans la mesure où je pouvais rester au Maroc. Mais c’était plus intéressant pour moi de vivre hors de mon pays d’origine, d’autant plus que j’avais l’expérience de l’expatriation à Paris où j’ai vécu plus de quatre ans.
L’exil n’est pas à prendre uniquement au sens physique du terme, l’écriture est elle-même une forme d’exil. On s’abstrait du groupe, on est face à soi avec comme seul horizon une page blanche à meubler.

Lors de la rencontre sur la « Création et l’immigration», l’exil a été présenté comme une «tragédie». Partagez-vous ce point de vue ?
Je ne vis pas l’exil comme une tragédie. Au contraire, c’est une position privilégiée. Elle vous met en situation de recul par rapport à une expérience vécue.
Elle vous permet aussi de relativiser les choses, d’autant plus qu’il n’y a pas de vérité absolue. On ne peut pas se contenter du folklore local, je crois qu’il est plus que nécessaire d’inscrire culturellement le Maghreb dans le processus de la mondialisation.

Vous définissez-vous toujours comme un écrivain de la transgression ?
Un écrivain est appelé à dire tout haut ce que la société pense tout bas, surtout quand il s’agit de tabous d’ordre sexuel, politique…

Quel est l’aspect qui vous préoccupe le plus dans le Maroc d’aujourd’hui ?
Ce sont ceux qui défendent un «Islam intolérant», irrationnel, et qui ignorent toute une partie lumineuse de notre patrimoine islamique. La lutte contre cette forme d’intégrisme passe nécessairement par une revalorisation sociale du citoyen, notamment les jeunes qui cherchent de l’emploi.

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