Culture

Les batteurs au Maroc : dix ans de roulement

© D.R

«Boum boum Tac, boum boum Tac… Clash», baguette à la main, il percute son instrument. Pas assez mis en avant dans le groupe, le batteur en est pourtant la colonne vertébrale, il est son rythme. Ils sont rares au Maroc parce que l’instrument est lourd, cher et fait beaucoup de bruit. Mais depuis une dizaine d’années avec l’émergence de la scène urbaine, on commence à distinguer une lignée de batteurs professionnels bien de chez-nous. On cite Adil Hanin alias Adil Hendrix, batteur des Hoba Hoba Spirit, unique batteur gaucher qui installe sa batterie à l’envers: Caisse claire, tombasse, charleston, cymbale, grosse caisse, clash… Tout est à l’envers. On le reconnaît aussi, outre pour son talent, à son look aux piercings et aux draides rebelles, bien qu’il les a coupées tout récemment.Il dit : «En tant que batteur, la scène est mon bureau, mon chantier, j’y construis des rythmes, l’échassier. Les autres instruments constituent le reste: les guitares c’est les fenêtres…» On cite Nabil Andaloussi, ce grand gabarit, batteur du groupe Mazagan est connu à ses débuts comme casseur de batteries, puisqu’il joue avec force. Actuellement, cet excité de la scène qui a évolué du rock pur et dur à la fusion acquiérant la polyvalence et qui s’est mis à la batterie par hasard, ne casse que des baguettes de temps à autre. Il y a aussi Mustapha Tebhiri ex-batteur du groupe Dayzin, l’un des vétérans, Sufien de Gnawa clic, Azzedine de Haoussa, Abdellah de Ganga Vibes ou encore Brahim Terkmani, le nouveau venu chez Darga et bien d’autres. Comment ont-ils évolué et dans quel contexte ? Quels en sont les références, les difficultés, les défis et les gloires ? Qu’est-ce qui distingue chacun mais qu’est-ce qui les rassemble tous ? Les Marocains sont un peuple qui aime tambouriner partout. À n’importe quelle occasion, tout le monde devient «tebbal», tout devient percussion : une porte, une table, un plateau métallique ou des verres. Ceci sans parler du riche patrimoine folklorique et des rythmes traditionnels abondants dans toutes les régions du Royaume. «Je tapais sur n’importe quoi. Au début c’était la «taârija»», confie à ALM Adil Hendrix. «Je me considère comme quelqu’un qui a misé dix ans de sa vie pour sa passion. Grâce à Dieu, cela a porté ses fruits et aujourd’hui, je gagne ma vie grâce à ma passion, ce qui était mon rêve», révèle ce batteur ayant plus de 300 concerts au compteur. Il a commencé avec un groupe de métal en 1999, à la Faculté de Mohammedia en ne jouant exclusivement que du rock, ceci avant de se retirer et s’enfermer pour apprendre et s’ouvrir sur de nouveaux styles. Entre 2002 et 2005, il jouait avec cinq groupes à la fois tellement les batteurs étaient plus rares qu’aujourd’hui. Ça se passait lorsque tous les groupes se réunissaient dans le local de la F.O.L à Casablanca, le premier bureau du L’boulevard avant qu’il ne ferme et que l’association du L’Boulevard ne devienne sans domicile fixe. «Autodidacte, j’ai appris en jouant et en voyant les gens jouer. C’est-à-dire en essayant de m’approcher le plus possible du jeu de mes batteurs favoris», dit-il.  Et parmi ses batteurs préférés, il y a les batteurs de Jimi Hendrix, de Led Zeplin, de Pantera, de Métalica… «Jusqu’à ce jour, cela constitue pour moi un bagage qui m’aide à proposer par exemple par rapport au jeu de guitare de Reda Allali ou la ligne de basse de Saad un ou deux rythmes pertinents au lieu de patauger», dit-il. Et pour atteindre ce niveau là, il y a en plus du déchiffrage des techniques avec l’oreille, les vidéos sur le net qui constituent pour tous les batteurs d’aujourd’hui l’une des sources les plus importantes et intarissables d’exercices. Bien sûr, il faut en plus la volonté, la passion, beaucoup de travail et de sacrifice. Mais, il y a aussi pour la majorité des batteurs marocains, un père spirituel, leur cheikh vivant. Karim Ziad, celui qui leur a ouvert une voie insoupçonnée et très accessible. Et tous les batteurs contactés par ALM lui vouent de la reconnaissance. Sufien Gaga batteur de Gnaoua Clic fait aussi partie de ces batteurs influencés par Karim Ziad. Sufien, contrairement à Nabil Andaloussi qui joue aussi dans des pubs ou des soirées privées ou Adil Hanin qui donne également des cours de batterie à 200 DH une heure et demie, ne gagne pas encore sa vie de la musique, bien qu’il s’est dédié entièrement à la musique. Sufien se distingue aussi par le fait qu’il a poursui 5 ans de cours de batterie au conservatoire du boulevard de Paris à Casablanca, avant que ce dernier ne ferme, il y a plus de 2 ans sous prétexte de travaux de rénovation, avortant le rêve de plusieurs jeunes musiciens et de Soufien de décrocher une médaille en batterie. «Sans le conservatoire, je n’aurais jamais fait de la batterie. Puisque chez moi, vivant dans un appartement avec mes parents, il m’est impossible de jouer. Le conservatoire a assouvi ma soif de batterie et m’a permis de connaître les b.a-ba : position des mains, nuances, accordages…», dit-il. Il faut dire qu’aujourd’hui, en dehors de quelque locaux clandestins et le Bouletek, centre des musiques actuelles au technoparck accessibles à quelques privilégiés de Casablanaca, c’est toujours la galère pour les jeunes batteurs marocains et les musiciens urbains, bien qu’on en voit de plus en plus.


Karim Ziad, père spirituel des batteurs marocains
Karim Ziad, ce batteur maghrébin, l’un des plus illustres de la fusion et fondateur du festival de Gnawa à Essaouira a grandi à Alger. C’est lors d’un Master class, qu’il a rencontré la plupart des batteurs marocains professionnels de la scène urbaine. D’après Brahim Terkmani, «Karim Ziad a créé un nouveau concept d’arranger et de concevoir la musique magrébine». «Il nous a donné la preuve qu’on est pas obligé de grandir à Paris ou à New York pour devenir un batteur célèbre», dit Brahim Terkmani. «Cet Algérien nous a ouvert l’oeil, il nous a dit : Hé ! Les gars ! Vous avez ici au Maroc un patrimoine très riche qu’il vous faut explorer et préserver», rapporte Nabil Andaloussi, ajoutant : «Karim Ziad a fait beaucoup de recherches sur le folklore marocain et maghrébin allant jusqu’aux endroits les plus reculés pour apprendre les rythmes des troupes traditionnelles. Il nous a présenté le résultat de sa découverte sur un plateau d’argent».

 

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