Culture

Les boutiques «mini-Derb Ghallef» ont le vent en poupe

© D.R

L’accès à «la technologie illégale» se démocratise davantage. L’espace Derb Ghallef, «l’espace de non-droit» comme certains préfèrent le qualifier, ne monopolise plus la prestation des services de «flash» des téléphones portables et des récepteurs numériques, de réparation des outils informatiques, de vente des logiciels et des films piratés, entre autres. En effet, des boutiques exerçant ce commerce juteux poussent, désormais, comme des champignons au sein des quartiers populaires de Casablanca. Dans l’un de ces quartiers, Ain Chok, il y a au moins six boutiques de ce genre. Une offre qui répond aux besoins croissants des usagers de la technologie.
Ces boutiques n’affichent pas en gros le genre d’activité qu’elles exercent bien qu’un simple coup d’œil sur la devanture permet de constater de quoi il s’agit. La raison est très simple. Le propriétaire de la boutique craint d’afficher publiquement qu’il exerce une «activité illégale» bien qu’il l’exerce réellement. Un paradoxe qui se justifie par la précaution et la vigilance qui doivent rester de mise. Ceci étant, chaque boutique est en quelque sorte un véritable «mini-Derb Ghallef».
Younes, un jeune Casablancais de 26 ans, gère un cybercafé à Aïn Chok. Il pratique, en marge de ce boulot, des activités se rapportant à la réparation de matériels informatiques et autres activités. Selon Younes, l’expansion des boutiques de prestation de services informatiques «illégaux» s’explique, en grande partie, par l’accès de plus en plus aisé à la technologie informatique. «Tout le monde a aujourd’hui l’accès facile à l’Internet. Une personne initiée à la manipulation des outils informatiques, peut aujourd’hui, tout simplement, suivre les indications fournies par les sites Internet pour apprendre à flasher les numériques, réparer les portables, etc.», explique Younes. Selon ce jeune Casablancais, cette expansion s’explique également par la disponibilité des outils de travail. «Auparavant un outil baptisé «la boîte» servant à décoder une marque déterminée de portables coûtait 7000 DH. Aujourd’hui, elle ne coûte que 1000 à 2000 DH. Elle n’est plus monopolisée par les commerçants de Derb Ghallef. Quant au câble de décodage, il est désormais au prix de 20 DH», poursuit-il. Interrogé à propos de l’illégalité de son travail, Younes ne veut surtout pas discuter de cette donne, affirmant qu’«il n’y a pas de loi spéciale qui incrimine les activités qu’il exerce».
Les services fournis par les boutiques ne relèvent pas de la science exacte. Ce qu’un réparateur pourrait réparer, un autre ne peut pas. Tout dépend de la compétence et de l’argent investi. En plus, ce que certains réparent, par exemple, à 20 DH, d’autres exigent 50 DH et ainsi de suite. Tout est approximatif et l’offre est ainsi diversifiée. En outre, et comme tout plonge dans l’illégalité, la formation professionnelle, du moins du «réparateur», n’est pas exigée. Certes, certains propriétaires de boutiques ont bel et bien des diplômes attestant de leur formation mais d’autres n’ont appris ce métier que par la pratique. «Mon travail est certes, comme certains le prétendent, illégal, mais il est tout de même noble. Je suis en quelque sorte le Robin Hood de mon quartier. Je vole la technologie aux riches pour l’offrir aux pauvres qui ne sont pas en mesure de la payer. Je suis catégoriquement contre le monopole», a ironisé un jeune Casablancais propriétaire d’une boutique de réparation et de vente qui a souhaité garder l’anonymat. S’agissant de l’avis des citoyens concernant l’expansion des boutiques, les réactions recueillies par ALM rendent compte de la diversité des points de vue. «La problématique est très simple. La propriété intellectuelle n’est pas notre affaire. L’on ne parle de propriété que lorsqu’on traite de ce qui se rapporte à la propriété intellectuelle alors qu’il y a d’autres propriétés qui sont encore plus importantes. Pour respecter cette propriété, il faut tout d’abord que je sois propriétaire de quelque chose. On ne peut inculquer le concept de propriété intellectuelle à celui qui ne possède ni maison, ni travail, ni quoi que ce soit», philosophe Adil, un jeune Casablancais. «Moi je ne suis pas contre ce genre d’activité. Bien au contraire, je trouve que c’est intéressant parce que ça ne coûte pas cher. Au lieu de réparer mon téléphone portable chez la société qui l’a produite, chose qui va me coûter, au moins, la moitié du prix initial du téléphone, je préfère me rendre au coin de la rue chez une boutique pour le réparer, au grand maximum, à 50 DH», précise Leïla, une jeune Casablancaise. «Il s’agit d’une activité illégale ni plus ni moins. Est musulman celui qui ne vole point les biens d’autrui. Personne ne doit se permettre de soustraire frauduleusement un logiciel, une technologie d’autrui», a noté Selmane un jeune habitant du quartier Ain chok. Le phénomène des boutiques «mini-Derb Ghallef» ne se limite pas au quartier à Aïn Chok, à Casablanca ou au Maroc tout entier. C’est un phénomène mondial qui ne cesse de prendre de l’ampleur. Certes chaque pays a sa propre version du phénomène Derb Ghallef, mais, il ne demeure pas moins que les méthodes de piratage et de fraude à la loi sont, presque, universellement similaires.

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