Culture

Les photocopieuses envahissent nos universités

© D.R

«Qu’avez-vous dans votre sac ?». Un cartable ou un sac d’étudiant est censé contenir des objets ayant trait au monde de savoir, de la connaissance, ou de l’apprentissage, un livre, des cahiers où l’on note des cours, des carnets, des blocs notes, des stylos…. Sur dix  étudiants interrogés au niveau des facultés des lettres ou de droit à Mohammédia, Rabat, Fès, Méknès, ayant daigné montrer le contenu de leurs sacs ou cartables, un seul possède un livre, un roman, une pièce de théâtre, mais retenez-le bien, un livre «prescrit», comme se plaît à le répéter, un étudiant, par le professeur, un livre du programme. Ce livre qui fait de plus en plus défaut.
«Les livres coûtent trop cher pour nous les étudiants. On nous recommande, souvent, au niveau de la Faculté des lettres, une dizaine de livres, poésie, théâtre, roman, histoire de l’art…Nous n’avons souvent pas la possibilité d’acheter le tout. On se fait des photocopies de certains passages des livres programmés. Et même si vous décidez d’emprunter au niveau de la bibliothèque, il n’y a pas assez de livres», déclare Nadia, 20 ans, étudiante à l’université Mohammed V, Facultés des lettres.  
Sur cette question, les étudiants des facultés de droits ou de sciences ne font pas l’exception. La chaîne des photocopies, rappelle ce travail à la chaîne que Charlie Chaplin a admirablement denoncé. C’est un phénomène qui s’ancre de plus en plus dans le milieu estudiantin, affectant ainsi la faculté et la capacité d’écrire. L’écriture devient ainsi quasi absente, la prise de notes est pratiquement méconnue d’une grande majorité d’étudiants. «Je vous assure que certains de mes étudiants ne savent pas écrire. Sur une seule ligne de cours dicté ou même  recopié, vous trouverez une calamité de fautes d’orthographe, de syntaxe, de grammaire ou de conjugaison. Certains ne savent pas conjuguer un verbe. Ce n’est malheureusement pas le cas que pour les langues étrangères, mais grave encore, c’est au niveau de la langue arabe elle-même», déclare, tristement, un professeur d’histoire de l’art. A qui la faute, aux professeurs, aux étudiants ou à tout un système d’apprentissage, d’éducation et de formation ?
Et la question reprend : «Que contient votre sac ?». Pour les étudiantes, la majorité interrogée, répondent qu’il n’est plus question de porter un cartable. Ce sont souvent de petits sacs minuscules, ayant remplacés les lourds cartables, assortis s’il vous plaît, avec les fringues portés et dont le contenu se résume à une petite trousse de maquillage pour se repoudrer, de temps en temps le nez, aux toilettes, aux odeurs nauséabondes, quelques feuilles froissées sur lesquelles figurent peu de notes, à peine lisibles, noyées au fond du sac, un stylo qui ne réussit même pas à noter un seul un mot, tellement il est usé, et au bonheur des photocopieurs, des tas de photocopies des cours. Ces dernières demeurent fidèles à la règle des coquilles, fautes d’orthographe et compagnie. Les plus heureux et les plus assidus, prennent leur photocopie sur la photocopie originale. Et la chaîne démarre. Une multitude de photocopies à partir de la nème photocopie. On imagine le résultat. Même les créateurs de la loupe auraient eu beaucoup de mal à inventer une nouvelle loupe qui pourrait déchiffrer la chaîne des photocopies. Vers quel horizon s’acheminent les étudiants avec une telle procédure? Et l’on comprend parfaitement bien, l’évolution de cette énorme créativité au niveau de la triche.
Encore une fois, qui en est responsable? Nulle besoin de répondre à cette question, il suffit de faire un tour côté école, collège, lycée et université, car c’est côté cours, côté jardin, où le décor s’éclaircie.
«Certains professeurs nous obligent à prendre les photocopies des cours de toute l’année afin qu’ils puissent s’absenter de temps à autre. Il ne faut pas nier, que nous-mêmes, étudiants, ça nous arrange de ne pas avoir à se planter à la fac, tous les jours», affirme Adil, étudiant à la fac de droit de Meknès. Certains étudiants avouent avoir du mal à prendre un cours  dicté. «Nous avons un énorme mal à écrire le cours, sans faire de faute. Nous n’avons pas été bien formés à la base. Certains d’entre nous, ont eu le malheur, au niveau de l’école, d’avoir un prof nul, qui, lui-même, commet des erreurs et des fautes ou articule mal. C’est normal, on prend sur lui, le résultat est donc tout à fait logique», confirme, Laïla, 23 ans étudiante en littérature anglaise à la faculté de lettres de Marrakech.
L’on arrive à cette catégorie d’étudiants qui ont la chance d’avoir un ordinateur portable qui leur servira de prendre leur cours, sans avoir à passer par la chaîne de la fameuse photocopie. S’ils ont la possibilité d’avoir un modem, c’est l’idéal, ça leur permettra, chacun selon sa conscience, de confectionner leur mémoire de fin d’études, en usant de la majestueuse astuce du copier-coller. «C’est bien d’avoir un ordinateur, mais il y a des risques. D’abords, il faut être rapide pour prendre le cours, mais imaginez que l’on oublie d’enregistrer, ou qu’il y ait une panne d’électricité, tout est parti en fumée», déclare Malika, étudiante d’une vingtaine d’années, à la faculté des sciences à Mohammedia. 
Ceci est le fruit d’une seule question à savoir «Que contient votre sac ?». Si toutes les bonnes questions étaient posées, l’encre de l’univers entier, n’aurait pas suffit à relater la catastrophe que vit actuellement l’enseignement au Maroc.

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