Culture

Les secrets de l’engouement pour la broderie

© D.R

De nos jours, les brodeuses se font de plus en plus rares. Cependant, les familles marocaines ont tendance à mettre cet art ancestral en valeur. «Je pense que la broderie est un art éblouissant qui devrait fasciner tout le monde à tout moment. Certaines familles ne se contentent pas seulement d’approuver leur admiration, mais elles viennent au musée chercher les anciennes techniques, même celles disparues, notamment la broderie dite «aleuj» et la broderie au fil d’or plat», déclare Hafsa El Hassani, conservateur au musée Dar Jamaï à Meknès. En outre, «la broderie marocaine est une entité riche de par ses deux grandes techniques: la technique au fil compté et au motif tracé. Je trouve que chaque technique révèle les inspirations et la créativité des femmes brodeuses. Elle est témoin du goût raffiné dont elles se vantent et jouissent, comme elle est la preuve d’une habileté manuelle inégale», renchérit-elle. De surcroît, la broderie marocaine se caractérise par la diversité de ses motifs. Ceux-ci différent selon les régions du Royaume. Ainsi, on trouve «la végétation très géométrisée, fondée sur une ligne brisée dans la broderie de Fès et Meknès, le décor architectural composé de grands panneaux en dents de scie, agrémentés de trois étoiles dans la broderie de Chefchaouen, le motif figuratif de la broderie d’Azemmour: dragons, lions et oiseaux, le dessin à silhouette humaine de la broderie ancienne de Rabat, et le motif floral illustré par la broderie de Tétouan», détaille Mme El Hassani. Pour prendre connaissance des spécificités de la broderie dans chaque région du Maroc, un petit tour d’horizon nous a bien éclairé à cet égard. Selon des informations recueillies par notre correspondante à Tanger, les brodeuses dans la région du Nord continuent à utiliser toutes les anciennes broderies traditionnelles faites à la main dont la «rbatie» et la «Randa». Et comme dans le passé, elles se servent du cadre en bois (lemremma) pour effectuer leur travail. Concernant les modèles pratiqués à Tanger, Maâlma Zohra a précisé à notre correspondante que «les points de croix et de Yougoslavie le sont très peu en comparaison avec les années 70 et 80. Cependant, les maîtresses de maison gardent toujours cette habitude d’orner des tabliers, serviettes et objets de cuisine en points de croix». Et de porsuivre que «la rbatie et Norwigo (type de broderie proche du Randa) sont, de nos jours, plus commandées par la clientèle». Interrogée sur la broderie à la main, Mme Zohra révèle à notre correspondante qu’elle «demande beaucoup de temps. Il me faut un an pour réaliser un drap. Quant aux jeunes filles brodeuses, elles trouvent que ce métier est peu rentable. C’est pourquoi, la plupart d’entre elles préfèrent travailler dans des usines de prêt-à-porter». Dans l’Oriental, notre correspondant n’a pas manqué de nous citer les différentes catégories de broderies utilisées dans la région. Ainsi, entre la rbatie, fassie, yougoslave ou majboude local, la femme orientale n’a que l’embarras du choix. Tout dépendra de sa sensualité et de sa bourse. Quant aux prix, ils oscillent entre 300 et 800 DH pour les pièces confectionnées à la machine. C’est ce que les femmes nomment couture industrielle. Quant aux prix pour les broderies réalisées à la main, il faut compter entre 3000 et 5000 DH pour les taies d’oreillers et leurs draps. Quant aux djellabah, caftans ou Takchitas, les prix fléchiront ou flamberont selon la qualité de la matière première et le taux de remplissage. Une pièce bien travaillée dépassera les 2500 DH et avoisinera les 4000 DH. Interrogé par notre correspondant, Mohammed Azzouzi, tailleur de la place, constate avec regret que «les vrais artisans sont de plus en plus rares car les centres de formation n’inculquent pas le savoir-faire ancestral . Si la fille apprentie n’est pas encadrée par une femme qui a de l’expérience et de la maîtrise et surtout qu’elle accepte de lui inculquer tous ses secrets et tours de main, elle ne peut réussir ses confections». Pour sa part, notre correspondant à Beni Mellal nous apprend que la broderie traditionnelle manuelle connaît un certain déclin dans la ville. Cependant, la broderie rbatie à la main connaît une forte demande. D’autant plus que le nombre des brodeuses qui font ce genre de broderie ne dépasse pas 2 à 3 femmes dans la ville. «La broderie traditionnelle, la meilleure, commence à tirer sa révérence parce que les femmes sont attirées par la broderie moderne», lui a expliqué Lalla Hadda Jebbar qui travaille dans la broderie depuis 1967. Concernant les types de fils, on distingue, entre autres, Novaceta et DMC. A Beni Mellal, les prix d’un caftan fait à la main varient entre 1500 et 2000DH et la djellaba entre 900 et 1000 DH. A Agadir, Saâdia, brodeuse à Inzegane, a expliqué à notre correspondante que «la broderie à la main a plus de valeur mais elle est plus chère. Ceci est dû à la durée du travail. Ainsi, nous pouvons travailler sur une commande pendant un mois ou plus surtout quand la brodeuse travaille seule et non en groupe». S’agissant de l’engouement des Marocaines pour cet art, «on constate dernièrement qu’il y a une tendance à renouer avec notre héritage marocain bien que peu de filles ou femmes le pratiquent de nos jours», révèle Saâdia à notre correspondante. Par ailleurs, «malgré l’intérêt porté à la broderie rbatie par les familles marocaines, la main-d’œuvre demeure assez rare en la matière», nous déclare une brodeuse à Rabat. Quant au tissu, les brodeuses rbaties utilisent notamment le tissu hayati pour préparer des mouchoirs pour la mariée par exemple. En outre, «le prix d’une pièce brodée est à partir de 3000 DH. Quant à la broderie au fil d’or, le prix varie entre 4000 et 6000 DH», a détaillé notre brodeuse. Outre l’engouement pour la broderie rbatie, les familles marocaines accordent actuellement un intérêt particulier à la broderie fassie notamment lors des cérémonies de mariage. Et à vrai dire, le prix de cette broderie coûte les yeux de la tête, car « il va à 9000 DH», nous a dévoilé une jeune femme récemment mariée. Ceci étant, «espérons vivement que cet art renaisse de ses cendres», a conclu notre brodeuse rbatie.

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