Culture

Les syndics de copropriété entre idéal et réalités

© D.R

Nous avons posé la question à plusieurs Casablancais : à quoi sert un syndic ? La plupart d’entre eux, y compris les copropriétaires, n’ont pas pu nous répondre avec précision. Quant au texte qui réglemente la profession, il est encore moins connu.
La majorité de nos interlocuteurs affichent même une certaine réticence à recourir aux services d’un syndic. Ahmed, enseignant du secondaire, copropriétaire d’un appartement dans une résidence de moyen standing  : «Ces réunions qui se tiennent à longueur d’année ne sont qu’une perte de temps. Que chacun balaye devant sa porte et tout ira pour le mieux. C’est ainsi que nous fonctionnons dans notre immeuble et nous ne nous en portons pas plus mal…»
Cette négligence des copropriétaires en matière de gestion des parties communes et d’entretien méthodique de leurs immeubles constitue pourtant la porte ouverte à un processus de dégradation de leur cadre de vie.
Le parc immobilier casablancais se compose grosso modo de deux types d’immeubles : d’une part, les anciens qui sont dans un état lamentable et ne disposent pas de concierge, encore moins de syndic; d’autre part, les résidences nouvellement édifiées et dont les habitants ont compris l’utilité d’un syndic, qu’il s’agisse d’un copropriétaire élu à ce poste ou d’un professionnel de ce type de prestation.
L’utilité d’un syndic ?
Il suffit de visiter quelques immeubles du premier type pour s’en faire une idée éloquente : des façades sales et délabrées, des parties communes dans un grave état de vétusté, des murs maculés de crasse, des escaliers fissurés, des cages d’ascenseurs ravagées et très peu engageantes, sans compter les pannes à répétition de l’éclairage et des ascenseurs et les risques que cela induit…
On devine, à l’origine de ces états lamentables, des attitudes déplorables : ni les propriétaires ni les locataires ne respectent les dispositions des règlements de copropriété.
Notamment ceux dont le goût pour le bricolage conduit à procéder à des aménagements pas forcément en harmonie avec l’esthétique générale de l’immeuble, lorsqu’ils ne sont pas source de nuisances diverses pour les autres résidents.
Moulay Ahmed, officier de police à la retraite, habite dans un immeuble du quartier Mers Sultan. Il dit s’être habitué à vivre en appartement parmi d’autres gens, mais avoue que ni lui ni les copropriétaires, ni les simples locataires ne se sont donné la peine de se doter d’un syndic : «Notre immeuble n’a jamais eu ni syndic ni concierge. Ce sont les résidents, eux-mêmes, ou leurs femmes de ménage, qui nettoient les parties communes. Nous faisons de notre mieux pour que tout un chacun respecte ce tour de rôle pour ne pas avoir de problème. L’immeuble est relativement propre, mais les habitants doivent demeurer vigilants parce que la porte reste toujours ouverte et que l’immeuble est squatté par des clochards qui ont pris l’habitude d’y passer la nuit. D’autant plus que nous sommes souvent contraints d’emprunter les escaliers dans le noir parce que les ampoules sont systématiquement volées… Il y a bien eu un concierge il y a vingt ans de cela mais il n’a tenu que huit mois : les résidents refusaient de cotiser pour lui payer son salaire mensuel…»
La loi 18-00, entrée en vigueur en 2002, est donc venue réglementer l’activité du syndic.
Jamal Raji, syndic professionnel, en rapporte notamment qu’un conseil syndical des résidents doit être constitué aux fins de l’élection d’un président et ce avant la tenue de l’assemblée générale où il sera dressé procès-verbal de la désignation d’un syndic. «Cette nouvelle loi, se réjouit M. Raji, vient renforcer notre métier et nous protéger puisque’en cas de non-paiement par un résident, le syndic a le droit de le poursuivre en justice. Cela peut aller jusqu’à la mise en hypothèque du titre foncier et du mobilier. Personnellement, je m’arrange pour assouplir les modalités de paiement afin d’éviter le recours à la justice, toujours pénalisant en terme de temps…»
La tendance, relativement timide, est donc à la syndication professionnelle des résidences en copropriété. De plus en plus de copropriétaires se rendent compte qu’ils peuvent difficilement faire l’économie des services rapides et de qualité rendus par ces prestataires. J. Raji enfonce le clou : «Les syndics bénévoles sont malheureusement peu qualifiés pour donner des conseils avisés concernant les dispositions de la loi sur la copropriété. C’est ainsi que les copropriétaires finissent par se croire libres de faire ce qu’ils veulent de leurs appartements : effectuer des travaux d’extension ou d’aménagement alors qu’ils risquent de toucher à la stabilité des structures, à l’architecture ou à l’esthétique de l’immeuble. Ils ne doivent pas procéder aux changements dans leur balcon sans le consentement de tous les habitants car ces simples travaux peuvent entraîner des fissures sur la façade de l’immeuble».
Heureusement, il y a ceux qui ont compris. C’est le cas de Rajae, cadre de banque, casablancaise : «J’habite dans une nouvelle résidence constituée de trois immeubles. En attendant que tous les appartements soient habités, nous payons une cotisation de 600 dirhams par an pour régler les services d’entretien, de sécurité et de gardiennage, de nettoyage… Nous nous sommes décidés de faire appel aux services d’un syndic professionnel une fois l’immeuble presque entièrement habité».
La nouvelle loi 18-00 entrée en vigueur en 2002 stipule notamment que chaque occupant devra veiller à ce que la tranquillité ne soit à aucun moment troublée par son fait ni par celui des personnes de sa famille ou à son service, des visiteurs, et en général de toute personne dont il est responsable. «Des résidents nous réveillent parfois en pleine nuit pour nous demander d’intervenir auprès de voisins bruyants. Alors que cela n’entre pas dans nos attributions», tient à souligner J. Raji, qui milite, à son niveau, pour l’amélioration de la vie dans les logements en copropriété et rappelle le rôle que les notaires  sont censés jouer à ce propos : «C’est à eux que revient la responsabilité de sensibiliser les nouveaux propriétaires aux règles de la vie en copropriété en leur remettant une copie du nouveau règlement de la copropriété».

Amal Lebbar, chirurgien-dentiste et syndic bénévole
Syndic, profession ou vocation? Amal Lebbar, chirurgien-dentiste et syndic bénévole dans sa résidence du quartier Mers Sultan, confie avoir été choisie deux fois de suite par les résidents de son immeuble pour, dit-elle, sa sociabilité, son dynamisme et son sérieux dans le traitement des affaires de l’immeuble: «Je ne rencontre pas de problèmes au niveau des cotisations. C’est le concierge qui est chargé de les recevoir chaque mois et de régler les autres charges comme les frais d’entretien des parties communes, le règlement de salaire de la femme de ménage, les frais de l’eau et de l’électricité… Les problèmes se posent pour les gros travaux : la peinture de la façade, l’aménagement ou la création de quelques locaux». On reproche aux syndics bénévoles ne pas avoir assez de temps pour régler les problèmes des habitants dans la mesure où ils sont pris par leurs autres obligations personnelles ou professionnelles ?
Amal ne se sent pas concernée : «Puisque mon appartement est de style logement et bureau, je suis toujours dans l’immeuble. J’interviens même pour régler les problèmes de litige entre voisins ou pour mettre un terme aux bruits causés parfois par des résidents effectuant quelques travaux dans leurs appartements».
Qualités recommandées pour se dévouer ainsi à la collectivité: dévouement, volonté et fermeté ! Un vrai métier…

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