Culture

L’insuffisance rénale chronique au Maroc

ALM : Vous êtes spécialiste des reins, pratiquant dans le secteur libéral à Casablanca depuis 24 ans, vous êtes également président de l’Association des néphrologues du Maroc. Quelles estimations pouvez-vous faire sur l’insuffisance rénale au Maroc ?
Atlassi Hammadi : L’insuffisance rénale chronique (IRC) est désormais un problème de santé publique et malgré le progrès réalisé pour la prise en charge de cette morbidité par les pouvoirs publics, les associations caritatives, la société civile et le secteur libéral, l’accès aux soins n’est assuré qu’à une partie des patients. On compte actuellement près de 5000 patients dialysés, dont 60 % dans le secteur privé. À ce chiffre s’ajoute 3000 cas déclarés en attente de prise en charge, sans compter les 1200 à 1500 nouveaux cas attendus chaque année.
Les néphrologues, conscients de la gravite du problème, ont  émis  des recommandations lors du dernier colloque France- Maghreb sur les stratégies de la prise en charge de l’IRC au Maroc, en vue de l’adapter aux contraintes économiques en favorisant la recherche clinique et épidémiologique, et en s’orientant vers le renforcement de la prévention et le développement de la transplantation rénale.

Tous vos patients insuffisants rénaux ont-ils les moyens pour leur traitement ou être pris en charge ?
Malheureusement ce n’est pas le cas pour tous les malades. L’accès a cette thérapie de suppléance demande des moyens financiers importants. A titre d’exemple, un patient mutualisé coûte à la CNOPS 132.600 DHS annuellement, sans compter les traitements et les bilans. En conséquence, seule  une minorité (15%) peut prétendre a une prise en charge correcte. Les 85% restants s’adressent soit aux hôpitaux publics qui sont en permanence saturés, soit aux différentes associations d’aide aux hôpitaux qui ne peuvent satisfaire qu’un nombre limité de demandes. L’issue fatale est malheureusement la règle pour un grand nombre de patients démunis.

Pourquoi la greffe ne se fait pas de façon régulière au Maroc, alors qu’elle reste la seule alternative dans des indications particulières pour une solution définitive pour ces patients ?
La greffe a commencé au Maroc en 1991, et jusqu’en décembre 2005, seulement 134 greffes rénales ont été réalisées à partir d’un donneur vivant. Actuellement, la transplantation se fait de façon régulière dans les CHU de Casablanca et de Rabat au rythme d’une à deux greffes par mois et par centre. Cependant, ce chiffre est loin de répondre aux objectifs fixés par les différents acteurs impliqués dans ce programme de transplantation rénale.
Pour atteindre ces objectifs, il faut définir un programme intégré dialyse-transplantation, doter les centres greffeurs de moyens matériels et humains pour garantir la continuité de ce programme, élargir le prélèvement d’organes à partir de donneurs cadavériques. Ceci exige la mise en place d’une logistique spécifique à cet effet et des équipes médicales qui ont une expérience dans ce domaine pour assurer l’approvisionnement en organes greffables aux équipes spécialisées de la greffe.

Pourquoi le secteur libéral qui a toujours pris le devant dans les équipements, et disposant d’éminents spécialistes de la greffe, ne peut pas participer à la transplantation rénale ?
Le secteur libéral peut jouer un rôle actif dans ce domaine parce qu’il dispose d’un plateau technique performant et d’un capital humain compétent, mais la loi 16-98 relative au prélèvement et la transplantation d’organes n’autorise la greffe que dans les centres hospitaliers agrées et dont la liste est fixée par le ministre de la Santé. Pour le moment, seulement quatre centres hospitaliers sont agréés à cet effet: les deux centres hospitalo-universitaires de Casalanca et Rabat, l’hôpital d’instruction militaire Mohammed V et l’hôpital Cheikh Zaid.

Comment va être géré le problème de l’insuffisance rénale chronique au niveau de l’Assurance maladie-obligatoire (AMO) ?
Le corps médical avec ses néphrologues a accueilli ce projet social ambitieux avec beaucoup d’enthousiasme, tablant sur une couverture très large des patients insuffisants rénaux chroniques terminaux pouvant bénéficier de la dialyse de suppléance (dialyse transplantation).
Malheureusement, les gestionnaires, souciant beaucoup plus de leur équilibre financier, proposent aux néphrologues des conditions qui favoriseraient l’augmentation des troubles secondaires (accompagnant obligatoirement tout dialysé) occasionnant ainsi un surcoût et en même temps un obstacle à la transplantation rénale car le patient n’est plus éligible alors à la greffe du rein qui aurait été possible auparavant à cause d’effets secondaires induits. Par ailleurs, le ticket modérateur exonéré par la plupart des organismes mutualistes ne l’est pas pour la CNSS. Il serait souhaitable d’exonérer ces patients dialysés ou transplantés pour leur permettre d’affronter les seules difficultés d’ordre socio-professionnel.

Qu’en est-il du conseil consultatif de transplantation d’organes humains ?
Depuis sa création, il y a deux ans, il s’est attelé jusqu’à maintenant à l’élaboration d’un cadre législatif et a besoin d’être redynamisé afin de couvrir les différents champs de compétence pour lesquels il a été créé.

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