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Le pays des vivants
Comme cette phrase qui ornait autrefois les cadrans solaires "Toutes blessent, la dernière tue", une maxime revient sans cesse à la manière d’un leitmotiv tout au long du "Pays des vivants" : "La mort va vite, Mademoiselle. Le regret pousse une brouette chargée", avec parfois des variantes adaptées au monde contemporain : "La mort va vite, Madame. Les regrets ont beau se lever de bonne heure, ils arrivent  toujours sur le quai après que le train est parti." L’auteur de cette réflexion, Marcel Bichon parle d’expérience. Cantonnier d’une commune de Lozère il y fait aussi office de fossoyeur quand il ne joue pas le factotum pour l’institution de jeunes sourds et malentendants installée au village.
Sa philosophie de la vie provient de son activité professionnelle mais aussi d’une sorte d’émerveillement face au monde et d’abnégation qui le pousse à toujours favoriser le bonheur des autres faute de l’avoir connu lui-même. Il se dépense sans compter pour Mme Karmatt, la directrice de l’institution menacée de fermeture et surtout pour  Kochko, un ancien boxeur qui après avoir bourlingué à travers le monde est venu retaper une vieille bergerie dans le hameau de Pierre-Froide.
Dans cette chronique aux allures d’épopée, "car on ne peut demander à la mémoire de restituer le vécu sans l’amplifier", chacun poursuit le bonheur à sa façon, recherche une sorte d’équilibre parfait menacé par l’arrivée d’un rescapé du passé de Kochko, un prisonnier en cavale qui vient chercher refuge dans ce coin oublié de tous.

Jean Pierre Milovanoff, « Le pays des vivants »,
 Grasset, 2005, 288 pages


Je t’oublierai tous les jours
"C‘est peut-être par là que je dois commencer : les jours continuent de  s’écouler, le lundi de succéder au dimanche, le mardi au lundi. Tu te  souviens des jours ? Le mardi est suivi du mercredi et le mercredi du  jeudi. Je suppose que ces noms te paraissent encore plus dérisoires à  présent."
Quelle est cette femme à qui s’adresse Vassilis Alexakis, et à  laquelle il éprouve le besoin de se raconter ? Mêlant nouvelles du  monde et nouvelles intimes – tantôt professionnelles, tantôt familiales et  amoureuses –, il lui rapporte une décennie d’événements, se plaisant à  revenir sur une époque lointaine dont l’absente semble avoir partagé  de nombreux moments. Il remue le temps, exhume les joies et les  peines du passé, disserte sur les années estudiantines, le coup d’État de 1967, Papadopoulos et ses violentes diatribes contre la démocratie,  les années de journalisme, les amitiés littéraires, l’écriture et le tout  premier roman, l’adaptation à la vie parisienne…
Le mystère de l’identité  de sa destinataire se lève doucement, au fil des pages, et l’on devine  que l’auteur s’adresse à sa mère qu’il a perdue, poursuivant une  conversation qu’il n’a jamais voulu interrompre. Comment va-t-il révéler  à la défunte la mort de son mari, le père du narrateur ?

Vassilis Alexakis, «Je t’oublierai tous les jours »,
Stock, 2005, 288 pages


Brooklyn Follies
Nathan Glass a soixante ans. Un divorce, un cancer en rémission, trente ans de carrière dans une compagnie d’assurances à Manhattan et une certaine solitude qui ne l’empêche pas d’aborder le dernier versant de son existence avec sérénité. Chaque jour, Brooklyn et ses habitants le séduisent davantage, il prend ses habitudes, tombe sous le charme d’une serveuse et décide de faire un livre dans lequel seraient consignés ses souvenirs, ses lapsus, ses faiblesses de langage, ses grandes et petites histoires mais aussi celles des gens qu’il a croisés, rencontrés ou aimés.
Un matin de printemps, le 23 mai de l’an 2000, ce livre intitulé Brooklyn Follies prend une autre dimension. Ce jour-là, dans une librairie, Nathan Glass retrouve son neveu Tom Wood. Perdu de vue depuis longtemps, ce garçon de trente ans reprend très vite la place qui fut la sienne dans le cœur de son oncle. Et c’est ensemble qu’ils vont poursuivre leur histoire, partager leurs émotions, leurs faiblesses, leurs utopies mais aussi et surtout, le rêve d’une vie meilleure à l’hôtel Existence…

Paul Auster, « Brooklyn Follies »,
Actes Sud, 2005, 363 pages


Cosmos incorporated
Le nouveau livre de Maurice G. Dantec, passé des éditions Gallimard aux éditions Albin-Michel, est déconcertant à plus d’un titre, notamment en raison de l’ambition de son projet : mêler l’art du roman, la posture religieuse et l’Idée – théorie politique globale, philosophie, théologie, etc. –, afin de déchiffrer les arcanes de notre monde soumis au règne de la technique et du nihilisme, du moins pour sa part occidentale.
Ce texte, hermétique par endroits et porté par une énergie rare, risque d’accentuer le fossé entre les pro-Dantec, rompus à ses analyses sur le chaos, et les anti-Dantec, fermés à tout ce qui peut émaner d’un écrivain français contemporain investissant la peau d’un romancier chrétien en croisade contre les fléaux du temps (Technique, terrorisme, échec de la "culture", dépression planétaire…). Entre les deux, il y a ceux qui n’ont jamais lu une ligne de Dantec et qui peuvent s’offrir ici un voyage crypto-cyber-cosmique aux côtés d’un auteur en pleine métamorphose mystique.

Maurice G.Dantec, «Cosmos incorporated »,
Albin Michel, 2005, 576 pages

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