Là où les tigres sont chez eux
Eléazard von Wogau est correspondant de presse dans la ville d’Alcâtara, au fin fond du Nordeste brésilien. Un jour, il reçoit un manuscrit constituant la biographie d’Athanase Kircher, un illustre jésuite de l’époque baroque. Une longue enquête commence alors pour lui au fil de laquelle il croise Elaine, archéologue, Noéma, étudiante à la dérive, ou encore Nelson, jeune garçon infirme des favelas. Il ne faut pas avoir le vertige, si l’on veut maintenir le cap au cours du voyage en territoire Roblèsien. L’écrivain ne craint ni la logique ni le chaos. Il balaie la réalité à coups de fables, crée des couloirs spatio-temporels où les destins les plus improbables se rejoignent, et abat joyeusement les cadres institutionnels. Ce texte dense et débridé a la magie d’un Borges, la fantaisie d’un Cesar Aira sur fond d’enquête historico-policière. Non seulement Blas de Roblès investit le territoire sud-américain, mais il en digère la folie littéraire pour mieux interroger les codes romanesques. Car derrière le capharnaüm de ces histoires enchevêtrées, de cette quête de connaissance, se cache une petite révolution littéraire. Un objet rare et précieux qui n’entend pas céder aux modes ou aux conventions, mais bien jouir de ses propres règles, de sa propre vision de la fiction, et glisser librement d’un style à l’autre.
de Jean-Marie Blas de Roblès
Éditions : Zulma, 2008
L’Homme ralenti
Vol plané au ralenti après le choc initial et retombée brutale sur le bitume d’un carrefour d’Adélaïde : mis à bas de son vélo par un jeune chauffard puis amputé d’une jambe, le sexagénaire Paul Rayment reprend connaissance d’un moi diminué sur son lit d’hôpital. Il refuse l’équilibre factice d’une prothèse, s’empêtre dans ses béquilles. Il lui faut désormais une auxiliaire de vie pour veiller au ménage et soigner le moignon. Marijana Jokic, l’immigrée croate, s’acquitte au mieux de sa tâche, mais ranime, à son corps défendant, le cœur en souffrance de Paul Rayment. Il va jusqu’à offrir de prendre tous les Jokic sous son aile. À la réalité inerte d’un membre artificiel, Paul substitue la chimère d’une famille fantôme qui prolongerait son monde rétréci. C’est alors qu’Elizabeth Costello frappe à sa porte.
Éditions : Points, 2007
La Fille du fossoyeur
Rebecca Schwart est la fille d’une famille d’émigrants, qui fuyant l’Allemagne nazie, a échoué dans une petite ville de l’Etat de New York dans laquelle le père devient fossoyeur gardien de cimetière et subit humiliations et frustrations. Rebecca, porteuse de cet héritage familial lourd et douloureux fait le difficile apprentissage des hommes, du mariage et de la maternité. Avec « La Fille du fossoyeur », Joyce Carol Oates signe un roman dense, sombre et palpitant, comme elle en a le secret. Dès les premiers instants, l’air se fait âpre, suffocant, comme celui de l’usine où travaille Rebecca, clé de voûte du récit. Car l’écrivain sait trouver les mots pour transmettre les sensations, comme les émotions.
Éditions : Philippe Rey, 2008