Culture

Littérature carcérale : Le nouveau filon

© D.R

Leïla Chaouni, patron de la maison d’édition Le Fennec, a de quoi se frotter les mains. «Dalil al onfouan», édité alors que son auteur Abdelkader Chaoui était encore en prison (1989), a fait bonne recette. Après sa parution à la fin des années 80, il a été aussitôt épuisé puis réédité et maintenant il est en format poche (10 dirhams). «Une femme nommée Rachid», sorti par le même éditeur, n’a rien ou presque à envier à «Dalil al onfouan». Paru initialement en arabe «Hadith al atamah», il a été traduit en français pour combler aussi les attentes du public francophone. «On a volé du… rire» n’en a pas moins été accueilli par le lecteur. Ce livre écrit d’abord en arabe par Abdelaziz El Ouadie, a été traduit en italien sur la demande d’un éditeur du pays de la Botte. Son frère Salah, également ancienne victime des tristement célèbres années de plomb, a fait un tabac avec «Le marié». Au même titre que « Mdidech » (Chambre noire), Merzouki « Cellule 10 », Abdelaziz Mourid « Les rats » (livre fait de caricatures), et à une échelle internationale le Prix Goncourt Tahar Benjelloun qui a reçu en 2004 en Irlande le prestigieux prix international Impac Dublin pour son roman « Cette aveuglante absence de lumière ».
Et ce n’est pas tout… Pas plus tard qu’hier, Mohamed Nebrani, un ex-détenu du bagne de Kelaât M’Gouna, devait signer au Club de la presse (Rabat) un autre livre de caricatures intitulé «Les sarcophages  du complexe».
Pour cerner les aspects de ce nouveau mode d’expression qui s’installe dans notre pays, la Faculté des lettres et des sciences humaines de Rabat abritera, samedi 30 avril 2005, une journée d’étude sous le thème «La littérature carcérale au Maroc».
Au-delà de la littérature, le Maroc assiste à l’émergence d’un nouveau mode cinématographique : «le cinéma carcéral». Ces dernières années, nos réalisateurs ont fait assaut  de films portant sur les années dite également de braise, avec leur cortège de disparitions, d’enlèvements, de détentions, de torture, etc. Preuve du succès de cette nouvelle «vague», le grand prix qu’a reçu Hassan Benjelloun pour «La Chambre noire» au Fespaco (Ouagadougou, Burkina Faso). «Jawhara, la fille de prison» a, par ailleurs, enregistré un feed-back que le réalisateur Saâd Chraïbi qualifie de «magnifique». «200.000 spectateurs au Maroc», se réjouit le cinéaste. Sans oublier un taux d’audimat également intéressant après la diffusion de ce film sur la 2ème chaîne de télévision nationale, ni cet intérêt qu’il a suscité à l’étranger. «Jawhara» aurait participé jusqu’à maintenant à 23 festivals à travers le monde. Et il est programmé, d’ici jusqu’au mois de septembre 2005, dans cinq autres pays (Suisse, Italie, Etats-Unis, entre autres). Un long parcours récompensé par un prix de la critique au dernier Festival du cinéma africain de Khouribga. «Mona Saber», film d’Abdelhay Laraki qui revient sur ces années de balles, a également été favorablement accueilli.
Devant ce flot de livres et films-témoignages, surgissent des questions : pour quelles raisons les années 70 ont-elles fait couler beaucoup d’encre et  consommé autant de «pellicules» ? Pourquoi continuent-elles de susciter l’intérêt et des gens de plume et des cinéastes, pour ne citer que ces derniers ?
Pour Saâd Chraïbi, le nombre de ces œuvres reste encore insuffisant. «On a encore besoin de développer cette littérature pour éclairer l’opinion publique sur une part déterminante de l’Histoire». Pour Leïla Chaouni, il ne suffit pas de publier des livres sur ces années-là, mais de les enseigner dans les écoles nationales pour que les jeunes aient connaissance de leur histoire. Pour d’autres, l’exercice garde un intérêt thérapeutique. Il s’agit pour notre société d’exorciser ses démons.
« Le mal guérit en le disant », résume Salah El Ouadie.

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