Culture

L’underground, un succès incomplet

© D.R

Depuis quelques années, la scène underground a le vent en poupe. Son succès est incontestable. Il faut dire que la recette qui fait un tabac auprès des jeunes mélomanes est originale : une «diarrhée» de fusion du folk marocain ( Gnawi, Ahwash, Alaoui,… épicé au hip hop et autres Urbain Sound.
Même si les exemples de réussite, sur un plan purement musical, restent limités, il n’empêche que certains groupes se sont effectivement distingués. Des noms tels que Abaraz, Afous, Houba, Darga ont réussi là où d’autres ont échoué à servir une sauce fusion qui tient la route. Les mythiques «Gnawa diffusion » ou encore l’emblématique  » Orchestre national de Barbess » commencent à faire des émules. Et des albums marocains manifestement contemporains loins du jeu folklorique figé surgissent.
Mais ce succès implique une question : pourquoi ce succès ne trouve pas écho sur le marché de la musique ? Plus globalement, y a-t-il un marché pour ces musiques émergentes ? Réda Allali, musicien attitré du groupe Houba Houba Spirit, croit qu’un tel marché existe. Côté concerts et prestation sur scène, les choses se passent plutôt bien. La demande se fait de plus en plus et certains groupes commencent à tirer leurs épingles du jeu. Même si la plupart des groupes n’ont pas encore franchi le seuil d’enregistrer un album, les rares initiatives dans ce sens rencontrent un succès indéniable. Allali se réfère au cas de l’album de son groupe, enregistré, disponible dans un seul point de vente à Casablanca. «Les ventes de cet album ont dépassé toutes nos espérances. Si ça prouve une chose, c’est que ce genre de musique peut effectivement se vendre sur le marché », poursuit-il. Mais qu’est-ce qui empêche les groupes à passer à la phase de production ?
À ce niveau, les choses se présentent d’une manière plutôt mauvaise. Le problème est complexe. « Comment peut-on parler de produire un album lorsqu’un gérant de maison de prod’ vous propose 2000 DH comme indemnités ?», s’indigne Allali. Sur un plan technique, la plupart des maisons d’enregistrement au Maroc restent sous équipées en terme de matériel nécessaire. D’une part, les artistes ne disposent pas de suffisamment de moyens pour assurer les répétitions et tout le travail en amont nécessaire au lancement d’un album. De l’autre, des industriels mercantiles qui ne cherchent que le profit immédiat. «Décidément, il existe un gap culturel infranchissable entre les deux parties», conclue Allali. Dans un contexte pareil, l’idée ne serait-elle pas que les musiciens se prennent en charge?
Difficile, « car notre métier est de faire de la musique, pas de la vendre encore moins la commercialiser». en réalité, le problème s’est que jusqu’à maintenant, il n’y pas de manager qui semble s’intéresser à ce créneau. «Encore faut-il qu’il existe un vrai profil de manager de musique au Maroc». Sur un autre plan, l’émergence de cette génération de musiciens a été le fruit d’une initiative d’abord associative. C’est le Boulevard des Jeunes Musiciens, événement phare de l’underground casablancais qui a ancré cette scène dans le paysage culturel local.
Depuis quelques années, en fait, prospèrent au sein de la Fédération des Œuvres Laïques (FOL) des groupes de musique, à Casablanca mais pas seulement. Le soutien de l’association durant des années était (et continue de l’être) vital quant à l’existence même de ces groupes. Dans les locaux de l’association, les musiciens underground créent, répètent et se produisent. Mais ce schéma est-il viable à long terme ? « Certainement pas. Il est vrai qu’au début, l’aide de l’association est décisive. Mais à terme, les groupes qui s’illustrent seront amenés à trouver un autre support pour continuer sur leur lancée », explique un responsable de la FOL. Reste le privé, traditionnel parrain des bonnes causes artistiques, particulièrement les arts plastiques.
À ce jour, il est regrettable de constater que les grandes entreprises et les banques ne font pas assez pour encourager ( financièrement) les artistes de cette mouvance. Même si certains, comme l’opérateur de téléphonie Méditel, commencent à réaliser l’enjeu marketing de ces groupes et s’emploient à sponsoriser quelques manifestations, comme celle «After» organisée en marge du festival d’Essaouira. Même si, de l’aveu même d’un musicien, que de toute façon, ce n’est pas leur boulot que de soutenir les musiciens ». Et l’Etat marocain dans tous ça ? Les musiciens ne veulent même pas réclamer l’aide du ministère de la culture, censé encourager les initiatives artistiques.
À ce stade, souvenir du procès des jeunes hard rockeurs oblige, ils cherchent plutôt qu’on les laisse en paix. Et les laisser faire de la musique. La bonne.

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