Culture

Madagh : le temps d’un pèlerinage

© D.R

«Cela fait plus de vingt ans que je visite Madagh deux fois par an. Je trouve la quiétude et la sérénité que je cherche. Un lieu d’adoration et de ferveur qui me fait oublier les contrariétés et les soucis de la vie quotidienne», rapporte Haj Abdelkarim, un sexagénaire qui s’enorgueillit de son appartenance à la zaouia Boutchichia Kadiria. Et d’enchaîner : «c’est notre lieu de pèlerinage et de repos spirituel auprès de notre guide et éducateur Sidi Hamza qui nous a dévoilé la voie du salut et de la vérité». Haj Abdelkarim n’est pas le seul à croire en la bénédiction du cheikh. Ils étaient quelque 100.000 hommes et femmes à visiter la localité de Madagh la semaine dernière pour le Moussem du Mouloud célébré en grande pompe comme à l’accoutumée. Une bénédiction convoitée par plus d’un million d’adeptes répartis aux quatre coins du Maroc et du monde. Des «mouridines» qu’on trouve au Vietnam, en Malaisie, en Australie, aux USA, en Europe, en Afrique et en Moyen-Orient. Ils sont presque partout. Des femmes et des hommes qui s’imposent une discipline spirituelle tendant à l’affranchissement de l’esprit par la mortification dans leur quête de vérité. La Tarika Boutchichia Kadiria, qui a commencé avec quelques hommes autour d’Abbas le visionnaire au milieu du XXème siècle, est en train de conquérir les comtés les plus lointains. «Une prédiction réalisée du cheikh Abbas, qui avait annoncé que sa zaouia sera submergée par des dizaines de milliers d’hommes et femmes qui la visiteront», nous dit-on à Madagh. Prédiction pour les uns, projet structurant pour les autres du moment que le pôle agroalimentaire de la province de Berkane, qui sera réalisé dans la commune de Madagh pour un investissement de 1,25 MMDH, métamorphosera toute la région avoisinante. Ceci dit, chaque année, lors de la célébration de la fête du Mouloud ou de la Nuit Sacrée, la petite localité de Madagh, capitale de la confrérie, se transforme en un lieu débordant de vie et de solidarité. Une destination prisée pour des centaines de milliers d’adeptes et d’ascètes épris par la déclamation du verset coranique et du panégyrique du Prophète Sidna Mohammed, prière et paix sur Lui. Une occasion propice pour côtoyer de près le guide de la zaouia cheikh Hamza, un homme qui avoisine les 90 ans, vénéré pour sa sagesse et reconnu comme le guide qui a fait connaître au mieux la zaouia Boutchichia Kadiria.
Le jour de la «Lilla», toutes les délégations et adeptes passeront devant un lit aménagé pour la circonstance où le cheikh est étendu, soutenu par une foison d’oreillers, couvert par des draps légers à cause de l’âge et de la maladie. Le cheikh a hérité le secret «sirr» de la Tarika de son père Abbas et compte le passer à son fils Jamal qui peut à son tour le transmettre à l’intellectuel de la famille le docteur Mounir El Kadiri Boutchich. Cheikh Hamza est, sans doute, l’homme que tous les pèlerins cherchent à aborder. N’est –il pas leur «Al Habib». Des hommes et des femmes en transe devant un «homme affaibli par le poids de la sagesse et de la responsabilité» mais qui les fascine à tel point qu’ils se bousculent pour embrasser ses mains, son épaule, sa tête ou même ses pieds couverts de draps. «Tous les membres de Sidi Hamza sont bénis», lance un «Mouride» qui tenait à s’approcher de son cheikh mais qui ne pouvait le faire à cause du protocole qui plaçait le maître à distance de ses disciples. Maladie oblige. En plus des adeptes et «mouridines», chaque moussem, des invités de marque renforcent la confrérie. C’est le cas pour ce qui est de cette année de Nguyen Huu Dong, ancien vice-président du Conseil des ministres, chef d’état-major adjoint, vice-ministre de la Défense nationale au Vietnam, Jamal Abou Alhannoute, mufti de Palestine , Thong Thanh Khanh, prince des Chams, communauté musulmane de l’Asie du Sud- Est, docteur es lettres et professeur des universités ou Mahmoud Charif, mufti en Jordanie , Omar Van den Broeck, secrétaire général de l’exécutif des musulmans en Belgique, Tasnim Harmila Fernandez, spécialiste du soufisme de Californie, Alan Godlas de l’Université de Géorgie (USA) et Alberto Zanon de l’université de Padou (Italie). Aussi faut-il préciser que parmi les moments forts du moussem, il y a la Hadra. Des «foukaras» en transe rythment en chœur des «Hay ! Hay !», qui cadencent «haye Allah» Dieu est vivant en écho aux incantations des «Moussamiines». Des spécialistes en dikre enchantant et captivant. C’est grâce à leurs psalmodies et incantations que plusieurs pèlerins perdent tout contrôle et se laissent subjuguer dans une extase de louanges. Un moment fortement apprécié par les «foukaras» de la confrérie Boutchichia qui y trouvent liberté d’expression et ferveur mystique.
Ceci dit, le moussem de la zaouia Boutchichia est célèbre par la maîtrise psalmodique de ses «toulbas» qui contrôlent, à la perfection, la récitation du Saint Coran. Plus de 300 fkihs bouclent des centaines de «Salkates» chaque jour au grand plaisir des adeptes. Les ferveurs socioculturelles ont aussi leur droit de cité du moment que des consultations médicales gratuites avec distribution de lunettes de vue sont organisées depuis plusieurs années. D’autres infirmiers et médecins opèrent des circoncisions au profit des enfants de la population avoisinante. Et pour assurer une ouverture sur les autres festivités religieuses organisées de par le monde, un colloque international est organisé et aborde des thématiques se rapportant à la religion. Une tradition qui est en train de s’instaurer grâce au petit-fils de cheikh Hamza le docteur Mounir Kadiri Boutchich (universitaire en France). Au cours du moussem de cette année, les cinquantaine chercheurs universitaires qui ont animé les débats scientifiques ont passé au peigne fin des thématiques se rapportant à la dimension sociale du soufisme, le soufisme et la gestion des crises, le soufisme et la dynamique sociopolitique, le soufisme entre l’éthique du dialogue et la culture de la citoyenneté, soufisme et culture et le soufisme et la culture de la diversité et la divergence.

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