Culture

Mamoun Lahbabi : «C’est un roman où les voix sont féminines»

© D.R

ALM : Peut-on dire que ce roman est en même temps le récit d’une ascension sociale et un roman psychologique ?
Mamoun Lahbabi  : Oui, effectivement, j’ai essayé de raconter le parcours chaotique de quatre femmes dont l’amitié, la solidarité et l’affection sont nourries à la source d’une naissance miséreuse. Dans ce roman se juxtaposent l’enfance et l’adolescence dans le bidonville puis l’âge adulte dans un milieu confortable. C’est donc une traversée que je décris, un passage certes semé d’embûches mais qui aboutit à l’autonomie financière et au confort. Au détour de cette narration menée à quatre voix, je fais des incursions dans l’âme de chacune des protagonistes. Surtout de Nawal qui est le personnage principal. A cet égard, donc, c’est un roman à la manière des naturalistes qui restituent fidèlement les faits en essayant à chaque fois d’être le plus proche possible de la réalité. Parallèlement, c’est un roman à la façon des romantiques qui tentent de sonder l’âme humaine en vrillant toujours un peu plus les personnages. C’est donc bien un roman à deux facettes, celle de parcours dans l’existence et celle d’une tentative d’exploration psychologique.

Pourquoi avoir choisi des héroïnes femmes ?
Une société est moderne quand elle reconnaît à sa moitié les pleins droits dans l’existence, quand elle honore chacun de ses membres, quand elle gratifie les efforts des uns et des autres. Pour appuyer cette entrée dans la modernité, y a-t-il meilleur argument que de présenter des femmes indépendantes, assumées, volontaires, cultivées ? Il est salutaire que la littérature porte une parole iconoclaste de manière à extraire la pensée des sentiers battus. Faire parler exclusivement des femmes, c’est conforter une réalité que notre société a trop longtemps occultée. Une société ne peut évoluer dans la modernité sans la parole de la moitié des siens. Oui, c’est un roman où les voix sont féminines, comme cela peut se rencontrer dans la réalité. Et le romancier est dans son rôle quand il peint quelques pans de la société. Afin de mieux la connaître, de mieux la comprendre, de mieux la partager, de mieux l’aimer. «On pénètre mieux la société par la littérature que par la politique», disait V.Hugo.

«Dans cette quête, il est comme le peintre: il cherche pour trouver. Moi je suis comme le romancier, qui trouve d’abord et cherche ensuite». À la lumière de cet extrait de votre roman, pouvez-vous nous expliquer votre démarche de romancier?
Il est vrai que le peintre se distingue par une longue recherche préparant son œuvre. Il quête les formes, la couleur, la lumière. L’émotion qu’il veut transmettre, il ne la connaît pas au départ. Elle est l’aboutissement de sa recherche. C’est le résultat de sa quête. Le romancier, lui, sait au départ ce qu’il veut raconter. Il connaît la trame du roman, le déroulement de l’intrigue, les péripéties, les drames. Ce qu’il ne connaît pas, c’est comment le raconter. Sa création, c’est l’effort déployé pour restituer ce qu’il a déjà trouvé. Il cherche pour parvenir à partager ce qu’il ressent, ce qu’il sait.
L’écrivain, contrairement au peintre, se nourrit essentiellement d’imagination. Il n’a pas besoin de vivre une expérience pour la raconter. Tout est déjà en lui. Et je suis totalement à l’intérieur de cette démarche. Je possède l’idée et je cherche comment la dire. C’est parfois compliqué pour un écrivain, je dirai «instinctif», c’est-à-dire qui n’a aucun plan préétabli, qui déroule son histoire comme le lui souffle son inspiration. Souvent, plutôt toujours, les personnages viennent à moi, je ne les poursuis pas. Ils s’invitent et s’inventent au fil des mots. Je les pense au fur et à mesure. «Si tu veux être philosophe, écris des romans», disait A.Camus. C’est tout le contraire des écrivains professionnels, méthodiques, rigoureux. Ils dressent, au préalable de toute écriture, des portraits, dessinent des trames, tissent des scènes, esquissent des psychologies. Et le tout est relié ensuite pour façonner une histoire.

  «Vies de brouillard»
«Vies de brouillard» est le 9ème roman de Mamoun Lahbabi. Edité par les éditions Afrique Orient, ce roman raconte la vie de quatre amies issues d’un milieu défavorable. Actuellement professeur de marketing à la Faculté des sciences économiques de Casablanca, Mamoun Lahbabi a également été professeur à la Faculté de médecine et de chirurgie dentaire de Casablanca. Il a commencé par publier des livres techniques, des livres d’économie, de marketing et d’économie de la santé avant d’écrire ses premiers romans.

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