Culture

Marlène Dietrich, la vamp de la lumière

La relation qu’entretenait Marlène Dietrich avec la photographie ressemble à une vie de couple. La découverte dans les premières photos. La passion dans celles qui révèlent toute sa beauté. Le contrôle lorsque le corps commence à donner des signes de défaillances. La colère quand les défauts deviennent trop fréquents. La ru+pture lorsque l’appareil donne seulement des motifs d’insatisfaction avec l’âge. Et puis, la haine lorsqu’il faut se cacher pour ne plus être vu de l’autre.
Ces étapes sont données à voir dans l’exposition de Rabat qui montre jusqu’à quel point Marlène Dietrich savait tout du pouvoir des images. Et pour preuve, l’un de ses premiers photographes, George Hurrell, a rapporté dans ses mémoires les injonctions strictes de la star lorsqu’elle était en face d’un photographe.
Elle exigeait qu’un grand miroir soit posé directement auprès de l’appareil de prises de vues. La lumière, rapporte George Hurrell, « devait toujours venir d’en haut, directement sur sa tête. Elle pouvait le vérifier dans le miroir. Elle prenait elle-même la pose et disait alors : «maintenant George, prends la photo».
La lumière, elle en a compris très vite non pas les effets esthétiques, mais les valeurs participant du sacré et de l’angélique qu’elle suggère aux spectateurs. Lumière en plongée comme si l’actrice avait la bénédiction du ciel. Dans l’une de ses photos, tout dessine un mouvement d’ascension : les yeux levés vers le ciel et la posture de la main qui tient la tête comme un piédestal. Pourtant, qu’elle l’ait volontairement cherché ou non, Marlène Dietrich suggère aussi l’idée d’une chute dans ses photos, notamment dans celles où la cendre d’une cigarette menace de tomber.
Les premières photographies qui ont contribué de façon radicale au mythe de la star datent de l’introduction de la lumière qui auréole ses traits. Car avant l’avènement de la lumière, rien ne laissait présager que Dietrich allait devenir l’une des légendes de la photographie de star. Bien plus, une photographie de 1922 montre une jeune femme en robe informe et portant une coiffe. Elle a l’air d’une robuste paysanne allemande. Seule la vivacité des yeux et un chat tenu entre les mains peuvent donner des indices de la carrière future de la vamp.
La métamorphose de Marlène Dietrich s’est opérée avec la rencontre du réalisateur Joseph Von Sternberg. «Marlène, c’est moi !», dit-il des années plus tard pour proclamer ses droits d’auteur sur une créature qu’il a confectionnée de toutes pièces. Le premier grand rôle de Marlène Dietrich, c’est à Von Sternberg qu’elle le doit. Lola Lola a conquis des générations de spectateurs dans «L’Ange Bleu» (1930). Elle y a imposé un nouveau type d’érotisme dans le cinéma.
Marlène Dietrich est l’emblème de la femme moderne : consciente, érotique et indépendante financièrement. C’est une véritable coupure avec le modèle de la femme telle que la concevait jusque-là l’Occident. Elle a multiplié les provocations. Dans «Coeurs brûlés», son premier film américain, Marlène apparaît dans une scène en porte-jarretières. Elle a poussé la provocation à son comble lorsqu’elle a brouillé les codes moraux à Hollywood en privilégiant les costumes d’homme. Une grande partie des photographies exposées la montrent vêtue suivant la mode masculine. Outre le costume, un autre attribut masculin est récurrent dans les photographies de la star : la cigarette. Il est rare de trouver une photo où Marlène Dietrich pose sans cigarette. Ces traits distinctifs de la virilité ne sont pas à l’unisson avec la présence d’hommes dans les photos de l’actrice. Celle que l’on surnommait la vamp dévirilisait les mâles qui posaient avec elle. Elle absorbait toute la lumière pour leur faire de l’ombre.
À l’image de cette photo de 1936 avec l’acteur Gary Cooper qui est effacé par le trop de présence de sa voisine. Les seuls hommes dont elle tolérait la présence sont des admirateurs anonymes qu’elle domine par la taille. Ou des soldats attroupés lors d’un spectacle destiné au maintien du moral des troupes alliées en 1944. Marlène Dietrich a 49 ans en 1950. Elle a posé non pas pour montrer la vitalité de son visage, mais l’éternelle jeunesse de ses jambes. Deux paires de jambes enveloppées dans des bas-résilles marquent le désir que la star éprouve pour son corps et qu’elle veut communiquer aux autres. À partir de 1980, elle s’est réfugiée littéralement dans un appartement à Paris. Sa mort en 1992 a suscité une grande émotion. Elle s’est vraisemblablement suicidée, laissant au temps des photos qui ne vieillissent pas.

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