Culture

Meknès à la recherche du patrimoine perdu

© D.R

Elle est l’une des quatre villes impériales du Maroc. Sous le règne de Moulay Ismaïl (1672 – 1727), elle connut une période de grande prospérité et ce qui subsiste de cette ère de grandeur et des ères précédentes fait de cette ville une étape importante de tout voyage au Maroc. On l’aura compris, c’est de la ville de Meknès qu’il s’agit. Moulay Ismaïl la choisit comme capitale pour des raisons à la fois stratégiques, politiques et géographiques. Outre son intérêt architectural évident même pour le touriste le moins averti, la Kasbah de Meknès revêt une importance singulière du fait qu’il s’agit là de la première grande oeuvre de la dynastie des Alaouites. Actuellement Meknès comprend une ville ancienne et une ville moderne séparées par le vallon de l’oued Boufekrane.
De la ville nouvelle on peut jouir d’une très belle vue d’ensemble sur la médina avec ses nombreux minarets, ses remparts et sa cité impériale. Visiter ne serait-ce que la médina de la ville, c’est se rendre compte de tout le patrimoine que Meknès recèle. Noyau de départ de la cité ismailienne, la médina reflète la grandeur d’un passé architectural glorieux et l’authenticité d’un savoir-faire inégalé dans les domaines culturel, urbanistique et social. Ses vestiges historiques, ses édifices et l’originalité de sa beauté séculaire, constituent aujourd’hui un patrimoine des plus précieux. Un patrimoine, mais aussi une âme. Pour les Meknassis, le simple nom de la ville évoque deux grandes valeurs de la culture marocaine. Il s’agit de la Mecque, haut lieu de l’Islam, religion qui fait office d’un véritable mode de vie, symbole de générosité, d’ouverture sur l’autre et de tolérance, et Nass (les gens), terme qui évoque la vie en société, l’art de vie, mais aussi symbole souffi. Le tout tourne autour de l’être, contrairement au paraître. L’être qui reste au centre de la pensée souffie, l’âme de la ville et de ses habitants. Pour mesurer dans toute sa grandeur l’influence de cette pensée, il suffit d’évoquer les mille et un saints qui font la gloire passée de la ville et sa réputation présente. Des saints dont le grand maître n’est autre qu’El Hadi Ben Aïssa, fondateur de la Tariqa Aïssaouia, dont le prolongement et l’aura s’est étendu jusqu’en Egypte, en passant par tous les pays du Maghreb.
Prolongement culturel n’empêche pas des valeurs propres, toujours de mise, à la ville. Là où on va, on est entouré, voire encerclé par de multiples référentiels. Qu’ils soient religieux, sociaux ou culturels. D’ailleurs, à cet égard, qui ne se souvient pas d’Al Harraz, la célèbre qassida, immortalisée, au théâtre, par Taïb Seddicki, et dans la chanson par feu Houssein Toulali, sur une composition de feu Abdelkader Alami? Ce n’est donc pas un hasard si feu Hassan II en avait fait les louanges. «… Les philosophes disent: « L’oeil ne peut pas se regarder lui-même ». Vous, habitants de Meknès, vous ne pouvez pas vous voir, vous-mêmes. Mais ceux qui habitent en dehors de Meknès et de ses environs, apprécient à sa juste valeur la beauté de votre région et saisissent parfaitement l’importance de vos potentialités naturelles et humaines ainsi que vos capacités et vos aspirations pour édifier l’avenir de votre ville et de sa région », avait dit feu Sa majesté. Mais qu’est devenue Meknès ? Telle est la grande question. Désertés par ses gens, les murs de la ville semblent désormais voués à l’effondrement. D’ailleurs, même un des murs de la porte Bab Elkhmiss, qui faisait office de rempart de l’ancien Mellah, quartier juif de la ville, n’a pas résisté à l’usure dont la médina fait l’objet. Connue avant par ses hommes de lettres, de savoir et de piété, Meknès ne fait désormais parler d’elle que quand il s’agit de criminalité, de terrorisme et de trafic de drogue. Classé patrimoine universel par l’UNESCO, la ville a certes pu survivre à l’épreuve du temps.
Mais elle est sérieusement menacée par une série de facteurs liés aussi bien à la pression démographique, à la gestion urbaine qu’à la dégradation de l’environnement. Selon une étude diagnostic établie, en juillet 2003, conjointement par l’agence urbaine de Meknès et l’inspection régionale des monuments historiques, ces problèmes qui pèsent lourdement sur l’avenir de la ville, notamment de sa médina, se caractérisent principalement par la défiguration des tissus traditionnels aussi bien par les irrégularités causées par les particuliers, que par l’intervention des pouvoirs publics en l’absence d’un plan global de sauvegarde de cette ville historique. La dégradation des monuments historiques de valeur, faute d’entretien et surtout par la détérioration de leur environnement urbain, ainsi que l’obsolescence des textes régissant les vestiges et sites classés, suite au déphasage avec la réalité actuelle, sont également autant de facteurs qui, conjugués à l’absence d’une stratégie commune visant la réintégration effective de la médina dans le développement urbanistique de la ville, entravent sérieusement tout projet de la remise en valeur de cet héritage culturel. Même la vie associative, des plus actives dans les années du Protectorat, semble s’éteindre. Les associations de la ville tentent maintenant tant bien que mal de se réorganiser.
Dans le cadre de la coordination des activités des associations locales opérant dans le domaine social et afin de doter le secteur associatif d’une structure unifiée, une association des oeuvres sociales de la préfecture de Meknès (AOS Meknès) a récemment vu le jour à l’initiative d’une pléiade de potentialités socio-économiques et associatives de la cité ismailienne. L’association vise notamment, à travers ses objectifs, la mobilisation de tous les intervenants dans le domaine social, la coordination et le soutien des actions des associations et la création d’une banque de données sur les besoins des différents secteurs sociaux au niveau de la préfecture de Meknès.
L’AOS Meknès sera désormais l’interlocuteur unique des différents partenaires locaux, nationaux et internationaux et jouera, grâce à ses structures représentatives, un rôle primordial dans la dynamisation des activités associatives et à la consolidation de la gestion des associations. Une initiative sur laquelle tablent les amoureux de la ville afin que se confirment les mots de Michel Jobert : « Princesse aux oliviers, elle ne connaît pas l’illusion, elle est paysanne sans rouerie, artiste par application; seuls ses amoureux la comprennent, c’est cela qui lui importe.»

• Tarik Qattab et Bensalem Fennassi

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