Culture

Mes oeuvres tiennent dans une boîte

© D.R

D’abord, un ordinateur portable ! Je suis incapable de me détacher complètement de la société. Je peux m’isoler, mais non pas rompre définitivement le cordon ombilical qui me lie à la vie parmi mes semblables. Avec un ordinateur, je me connecterai pour avoir des nouvelles du monde, échanger des messages avec mes proches et mes amis. Je vais également écouter de la musique, me divertir et écrire. Je prendrai aussi avec moi le pendentif de ma petite fille. J’ai une drôle d’histoire avec ce bijou. Comme je crains que ma fille ne le perde en jouant, je le lui enlève chaque fois que je pressens un danger. Et devinez l’endroit sûr où je le mets à l’abri ? Mon cou. J’ai fini par m’approprier ce pendentif sans qu’il ne soit réellement à moi ! Je ne suis pas sûre d’ailleurs de lui trouver le même attrait, une fois sur une île déserte. Cet objet n’a de valeur que parce qu’il transite régulièrement par le petit cou de ma fille ! Je prendrai aussi des feuilles blanches, des crayons et un stylo noir. Pourquoi le noir précisément ? Parce que je suis incapable d’écrire avec un stylo d’une autre couleur. Je ne sais pas pourquoi. De même que je ne peux pas expliquer la fascination que le blanc exerce sur moi. J’emporterai à cet égard mon drap blanc. J’aime me couvrir de blanc ! De cette couleur, il est aussi question dans la boîte blanche qui me sert de capharnaüm. J’y mets tout ce qui me reste après la réalisation de mes oeuvres. Cette boîte contient des perles, des sparadraps, des bandes de gaze. En elle loge un petit bout de la plupart des oeuvres que j’ai réalisées jusque-là. Je transporterai aussi dans ma valise de l’encens et des bougies. J’aime beaucoup le parfum de l’encens, surtout lorsqu’il ne sent pas très fort. Il m’apaise. Quant à l’éclairage des bougies, il est irremplaçable. Il est de surcroît particulièrement approprié aux nuits dans une île déserte. Il ne faudrait pas effrayer les insectes et autres créatures de la nuit avec une lumière agressive. De la lecture. Oui, j’en prendrai. D’abord le Coran. Ensuite les « lettres à un jeune poète » de Maria Rainer Rilke. C’est à proprement parler, le premier livre sur l’art que j’ai lu. Je me souviens encore de la nuit où je n’ai pas pu m’en arracher avant d’atteindre la dernière page. J’étais en première année à l’école des Beaux-Arts de Tétouan. Et j’ai eu la révélation de ce qu’est la création, la chose artistique. J’ai pris soudain conscience du dévouement jusqu’au sacrifice auquel certains hommes consentent pour l’art. Je dois d’ailleurs beaucoup à ce livre que je ne me lasse jamais de relire. Et s’il y a un peu de poésie dans mes oeuvres, j’en suis redevable, sans aucun doute, à Rainer Rilke. Comme fictions, je prendrai avec moi «La dérive des sentiments» d’Yves Simon. Dans ce roman courent les bruits de notre monde, avec ses fractures, ses drames, ses éruptions de liberté. On y entend malgré tout une mélodie qui susurre à nos oreilles que rien ne saura enlever aux hommes l’espoir. Le soleil doit être brûlant sur une île déserte. Je m’équiperai donc d’un écran total. Est-ce que je vais enlever mon foulard ? Je pense que je le ferai de temps à autre, mais le port de ce foulard est avant tout une question d’identité. Et je ne peux l’abandonner sans laisser une partie de moi-même.

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