Culture

«Mon Maroc»d’Abdellah Taïa

Abdellah Taïa pose un regard très doux sur le Maroc. Un regard dépourvu de haine ou de reproche. C’est qu’il aime, et cet amour est manifeste dans chaque nouvelle de «Mon Maroc». Nouvelle ? Le terme n’est peut-être approprié que si l’on lit distinctement chaque nouvelle de «Mon Maroc», mais si l’on se laisse entraîner par les pages du livre, elles révèlent l’unité d’un roman. Le vécu du narrateur nourrit toutes les nouvelles du livre. Opérer une distinction entre auteur et narrateur est superflu. Car le narrateur conte des histoires qui ont été réellement vécues par l’auteur. De quoi s’agit-il dans «Mon Maroc» ? De petits récits à base autobiographique où la note prédominante est celle du bonheur. Un bonheur où entre une grande part de nostalgie. Comme tant d’autres, Abdellah Taïa a élu domicile ailleurs. Il vit à Tours. L’éloignement le rend très indulgent envers le Maroc. Même la douleur perd de son acuité, parce que la nostalgie du pays l’émousse de tout ce qu’elle peut conserver de tranchant. «Mon Maroc» est aussi le livre des rencontres intellectuelles de son auteur, celles des livres («Le pain nu» au premier chef), celles des figures importantes dans le monde de la littérature : Jean Starobinski, à qui il déroba un peu de sa baraka, Paul Bowles à qui il adressa un émouvant hommage. Abdellah Taïa se console mal de ne l’avoir pas rencontré avant sa mort… Mais «Mon Maroc» est avant tout un livre écrit pour la mère du narrateur, M’Barka. Cette figure éclaire le livre entier, tout en définissant la mythologie personnelle de son auteur. Les croyances superstitieuses que le narrateur ne renie pas, il les tient manifestement de sa mère. Au demeurant, M’Barka s’unit si fortement au Maroc que cet amour tendre qui baigne «Mon Maroc» se confond de fait avec l’attachement du narrateur pour sa mère. Une nouvelle du livre intitulée «A la gare» est particulièrement éclairante dans ce sens. C’est la mère qui a accompagné le narrateur à la gare, avant qu’il ne s’en aille la toute première fois en Europe. Séparation doublement douloureuse : celle du pays où il ne laissera des souvenirs que pour mieux saisir l’indéfectible enracinement culturel où ils le tiennent certes, mais cette séparation acquiert l’intensité d’un déchirement lorsque l’auteur-narrateur fait ses adieux à sa mère. Le livre entier en porte la marque. Lorque M’Barka n’est pas ouvertement citée, la vertu qui la nomme montre qu’elle ne cesse d’être là : baraka. Au reste, dire qu’Abdellah Taïa porte un regard nostalgique et particulièrement indulgent sur le Maroc ne signifie aucunement qu’il s’aveugle sur la réalité cinglante de son pays. Elle surgit dans les dernières nouvelles du livre. Ainsi ce propos : «Au Maroc, la liberté d’une femme est facile quand cette dernière rapporte de l’argent. Elle s’achète, tout simplement». Les dernières nouvelles s’ouvrent sur un autre Maroc. Un Maroc plus en rapport avec celui où nous vivons tous. On sent que la parole feutrée cédera la place à un propos moins voilé dans son articulation. «Mon Maroc» est dans ce sens un livre-passage. L’auteur est déjà passé à un autre genre d’écriture. Une écriture qui rompt avec la retenue qui caractérisait son premier livre. «Dans le miroir de mon père», une nouvelle parue depuis, le confirme.

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