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Neila Tazi : «Nous ne cherchons pas à être grands par la taille mais par le projet culturel que nous défendons»

© D.R

Entretien avec Neila Tazi, productrice du Festival Gnaoua et musiques du monde 

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21 ans après sa première édition, le Festival Gnaoua et musiques du monde continue de séduire les amoureux de la musique Gnaoua. Quel impact il a eu sur la ville d’Essaouira et quel bilan faut-il tirer de ces deux décennies de l’existence du festival? Sur ces questions et sur bien d’autres, nous sommes allés à la rencontre de Neila Tazi, productrice du festival. 

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ALM : Si vous deviez faire un bilan des 21 ans d’existence du festival, comment le décririez-vous ?

Neila Tazi : Le festival s’enracine, c’est ce qui compte. Il s’enracine à la fois dans le monde musical d’une manière générale avec de plus en plus de jeunes, de gens qui viennent souvent et qui y sont fidèles, ou encore des jeunes qui le découvrent pour la première fois. C’est un point qui est très important pour nous parce que 21 ans c’est un long parcours. Tous les programmateurs et les organisateurs des festivals se reconnaîtront dans ce que je dis. Le plus difficile c’est de durer, de continuer à étonner le public, de le fidéliser, de fidéliser les médias nationaux et internationaux. On ne peut faire cela que lorsqu’un projet a du sens et se renouvelle. Ce bilan il faut le faire. 21 ans c’est un âge symbolique, c’est l’âge où on atteint une forme de maturité et c’est aussi le signe d’une musique qui non seulement s’enracine mais a de plus en plus de rayonnement auprès d’un public et d’un monde professionnel avec tous ces artistes qui viennent du monde entier pour jouer avec Gnaoua et on le voit, il y a une diversité extrêmement intéressante en termes de programmation. Si vous retraciez les 21 éditions, la liste des artistes qui sont venus jouer et se prêter à la fusion des Gnaoua du Maroc serait très longue et dans tous les genres musicaux. Nous sommes très fiers de voir cette musique qui rayonne dans le monde, que les artistes internationaux qui se sont produits ici sont les meilleurs ambassadeurs des festivals avec les médias évidemment. Mais lorsque de grands artistes parlent de la particularité de ce festival, de la puissance de cette musique Gnaoa, de l’énergie qu’elle leur a apportée, de l’ambiance particulière qu’il y a ici et que la notoriété du festival continue de grandir grâce à tous cela on peut dire que le bilan est positif. Le chemin parcouru en valait la peine et celui à faire sera encore long, passionnant parce que nous voulons que ce festival dure,  qu’il soit éternel au-delà des personnes qui le portent, au delà des artistes qui s’y produisent et que la flamme de Tagnaouite continue d’être nourrie par la passion, la passion du public, la passion des organisateurs, la passion des médias, la passion des sponsors et c’est ce bilan-là que nous voulons faire chaque année et que nous faisons aujourd’hui.

Quelle est la particularité de cette édition et quels sont ses points forts ?

D’abord je citerais la présence d’une femme maâlmya. La jeune Asmaâ Hamzaoui qui est la première femme à pratiquer Tagnaouite, à jouer devant un si large public et de faire une fusion même avec une autre chanteuse malienne grande qui n’est autre que Fatoumata Diawara. Je dirais aussi la rencontre entre Zakir Hussain, Chris Potter et Dave Holland qui sont de grands musiciens de jazz et qui nous ont offert de très beaux moments de musique et de fusions. Ce qui est fascinant c’est de voir 30.000 personnes écouter de façon quasi religieuse une musique qui n’attirerait pas plus de 300 personnes si elle était jouée dans un théâtre à Casablanca ou à Rabat et ça c’est très important. C’est la preuve que le public fidèle du Festival Gnaoua d’Essaouira a développé une vraie connaissance musicale, une vraie écoute et une vraie oreille en matière de musique du monde en général. Il y a eu des musiciens du Bénin, des hommages des maâlems disparus, c’est un festival qui s’attache à cultiver la mémoire, la perpétuer et c’est important de ne jamais oublier ceux qui ont tracé la voix et qui ont permis à cette tradition musicale d’exister. Je dirais également le Forum des droits de l’Homme que nous avons créé après la nouvelle Constitution de 2011 et la mise en place du Conseil national des droits de l’Homme qui nous a accordé sa confiance et qui chaque année nous accompagne avec un forum dans le cadre duquel nous débattons de thèmes essentiels. Le Festival Gnaoua est un festival musical et un rendez-vous culturel mais aussi un rendez-vous intellectuel.

Pourriez-vous nous en dire plus ?

Lorsque nous arrivons à réunir autant de sensibilités, autant de générations différentes, autant de diversité en matière de public, autant de médias différents nationaux et internationaux, autant d’expertise, nous devons absolument saisir cette occasion pour débattre de sujets essentiels qui vont nous faire avancer dans notre réflexion. Cette année le thème c’était l’impératif d’égalité. Lorsqu’on parle d’égalité c’est bien sûr l’égalité homme-femme mais c’est aussi l’égalité d’accès à tout, à savoir les droits, l’éducation, la santé, la culture, ou encore l’accessibilité de manière générale. Ces questions-là sont fondamentales et nous devons nous poser des questions sur le devenir de nos sociétés et comment aller ensemble vers des choses meilleures. Le festival a toujours été attaché à être à l’écoute de son écosystème, de ce qui se passe dans l’évolution de notre société et dans le monde et c’est comme ça que nous arrivons à la fois à innover en matière de programmation, à répondre aux attentes d’une nouvelle génération parce qu’en 20 ans on peut imaginer qu’il y a beaucoup de jeunes qui viennent au festival et dont les goûts musicaux ont changé. Ils ont besoin de rester attachés à ce qui a fait la force de la musique à la fois marocaine ou étrangère et les nouvelles tendances.

Comment vous positionnez-vous à l’international par rapport aux autres grands festivals ?

Nous considérons que le Festival Gnaoua est un des plus grands festivals de musique au monde. Nous ne cherchons pas à être grands par la taille, nous cherchons à être grands par le projet culturel que nous défendons, par la notoriété du festival, par sa force, sa cohérence, sa profondeur et la pertinence de son programme. C’est le seul festival au monde réservé à Gnaoua et à la musique du monde. C’est le festival par excellence de la fusion. C’est sa marque de fabrique. Nous sommes aussi un projet culturel qui a fait la démonstration puissante de la force, de l’impact immédiat entre un projet culturel pertinent et le développement économique d’une ville. La ville d’Essaouira est connue dans le monde à travers ce rendez-vous qu’est le Festival Gnaoua de la même manière que nous connaissons Avignon, Cannes ou Montreux par leur festival. C’est la preuve que nous avons eu raison de nous battre tout au long de ces années pour perpétuer le festival. 

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